Astrïd – The West Lighthouse Is Not So Far

Le phare ouest n’est pas si loin. C’est ce qu’annonce le quatrième album des Français Astrïd, à paraître à la rentrée chez Monotype Records. Composé de Cyril Secq, Yvan Ros, Vanina Andréani et Guillaume Wickel, le groupe fondé en 1997 avait sorti dans les années 2000 deux premiers disques, chez Arbouse Recordings (à qui l’on doit notamment Canopy, chef-œuvre trop peu connu de Silent Whale Becomes A Dream), puis un troisième en 2012 chez Rune Grammofon. L’année dernière, le groupe a collaboré avec Sylvain Chauveau, qui donne de sa voix pour leur projet Butterfly In The Snowfall, dont l’album est paru chez Home Normal. En somme, de bien belles maison-mères et un solide parcours pour une musique qui ne l’est pas moins.

Dans The West Lighthouse Is Not So Far, Astrïd donne a chacun de ses sept titres le nom d’un phare. De Gènes à Belle-Ile-en-Mer, en passant par la pointe de la Corse et celle du Finistère, tel est le parcours auquel convie l’album, avec les différentes vigies comme autant de points cardinaux. A l’image du faisceau qui conduit les marins, faisant naitre des ricochets de reflets, on peut entendre certains morceaux comme des étendues huileuses et lancinantes qu’un éclair de piano éclabousse. Chez Astrïd, les manipulations analogiques, l’ambient grenu mais jamais décharné, s’imbrique dans une narration dont la trame est définie par la guitare, le violon, le piano, les vents et leur remarquable équilibre. La batterie, quant à elle, se fait tantôt inflexible et martiale, ligne sourde baignant dans un ciel hitchcockien (l’introduction de Ouest), tantôt vrombissement de cymbale, nouant avec un piano en alerte un ballet de bruissements en libre cours, que seule la gravité de la clarinette vient stabiliser (Goulphar). Difficile de dire alors quelle part de cet album d’Astrïd relève de l’improvisation, la liberté en tout cas qui émane de certains instants suggère que sa place est sensible.

Invoquant ainsi l’ambient, la musique classique contemporaine, le free folk ou le jazz, la musique d’Astrïd suggère également le post-rock dans la structure des morceaux qui, tout en embrassant des schémas évolutifs prononcés (et admirables), n’en demeure jamais figée. On pense parfois à Oiseaux-Tempête, à l’écoute de l’aplomb de la clarinette basse ou d’une batterie éruptive donnant la réplique à des larsens (Pierre Noire), ainsi qu’à Hidden Orchestra, lorsque le violon passe au premier plan ou que la rythmique arrache la mélodie de ses errances lors de phrases plus downtempo (Madonetta). Au niveau des émotions, la mélancolie s’affiche comme couleur dominante, exhalant de chaque respiration, chaque plage dépouillée ou note tenue de violon, comme de la plus fugace volte de clarinette. La mélancolie de la lumière rasante et des regards qui se perdent, celle de l’immensité marine et de la solitude des foules. Ce n’est pas un petit morceau de bravoure que de réaliser un disque si plein de toutes les cassures qu’on peut enfouir, et de le faire avec une telle sobriété, une si parfaite et sublime netteté. A moins de palpiter d’un cœur de pierre, il semble impensable de ne pas se laisser gagner par le transport d’un morceau comme Grey Nose, parmi les plus beaux du disque, qui laisse doucement enfler une sensation glorieuse et hésitante, avant de venir la nuancer avec une tendresse dans les inflexions qui laisse transi. Alors s’avouer vaincu, se recroqueviller, sourire aux lèvres, et ne plus bouger.

Manolito

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