Colony – Music For Empty Rooms

Découvert courant 2012 grâce à cette chronique du compère Inoui sur feu Have Faith in Sound, l’Italien Sebastiano Festa associait alors son électronica downtempo au piano et aux glitchs du Japonais Akito Misaki, signant un petit bijou de mélancolie éthérée à rapprocher d’Erissoma ou encore des travaux les plus light de r.roo. Ingénieur du son dans la foulée pour l’excellente triple compilation Charming Sepulcher du même blog (toujours en libre téléchargement ici), à laquelle il offrait également un morceau nettement plus ténébreux enregistré pour l’occasion et toujours signé du pseudo Colony, celui qui partage son patronyme avec un compositeur de madrigals tout aussi peu connu se passe ainsi très volontiers de chant au contraire de cet homonyme du XVIème.

Un parti pris que certains regretteront peut-être à l’écoute de ce Music For Empty Rooms, sorti en octobre dernier dans une tragique indifférence. D’une part, car les interventions des invités Maria Messina (arabesques vocales mystiques sur You Never Came Back Home) et John Mario (chant cotonneux sur Well Of Memory) font merveille sans une once d’ostentatation (et idem pour le sample blues à la Moby de Building Houses For No One To Live In). De l’autre, parce que 130 minutes de nappes vaporeuses ultra-minimalistes et de piano impressionniste sur fond d’incursions électro parcimonieuses voire carrément absentes, ça peut paraître long, les premiers beats feutrés ne faisant leur apparition qu’au bout d’une grosse demi-heure de disque, en plein milieu du clair-obscur Just Another Blackout.

Qu’importe, à condition d’aimer s’abandonner aux sensations ouatées d’une rêverie matinale (et de savoir occuper son autre lobe frontal judicieusement durant l’écoute), c’est justement cette dilatation du temps qui fait de l’album une pièce maîtresse de l’électronica ambient de ces dernières années. Rien n’est à jeter sur ce disque, de l’hédonisme fantasmé du futuriste A Hundred Years From Now évoquant de loin le zen japonais, aux sombres errances métaphysiques du final Time Destroys Everything, des méditations angoissées d’Empty Houses ou Endless Window Longing au spleen réconfortant de Once There Were People Here ou Well Of Memory, en passant par la délicate oraison post-rock de Then Came The Morning.

On pense à Brian Eno sur Empty Skies ou Badalamenti sur Things Are Less Real Than They Appear, deux maîtres du non-dit sous leurs voiles de drones en apesanteur, dont l’influence pour le second, étroitement associé au cinéma de David Lynch, se retrouve également dans le mystère que scelle sur la pochette ce rideau bleu évocateur de la fameuse Chambre Rouge de Twin Peaks. Car au delà de la solitude, de l’absence et de l’effacement, c’est bien à l’érosion de la réalité par le passage du temps que souhaite échapper Colony sur ce disque, en se façonnant un refuge à l’abri de l’emprise de cette quatrième dimension figée par ses compos en suspension.


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2 thoughts on “Colony – Music For Empty Rooms

  1. Encore une totale découverte….une énième de plus faite ici. Décidément, ce blog est le lieux des explorations soniques en tout genre !!!
    Brian Eno, Badalamenti, l’électronica Ambient, le Post rock….que de belles et plaisantes références.
    Et la pochette renvoie forcément à David Lynch (de plus pour un inconditionnel du cinéaste que je suis)….Ce rideau, « Twin Peaks » version Yves Klein ???
    A +

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