Massaith – II

On n’avait rien de particulier contre Tokee, artisan doué de l’IDM 2.0 croisé chez Raumklang pas plus tard que cet été ou encore CRL Studios (en trio – excusez du peu – avec Lucidstatic et Access To Arasaka) après avoir fait les belles heures de Dope Records, label basé à Tel Aviv de son compère et graphiste attitré Fariz Suleiman. Ingé son pour le cinéma, la musique et la télévision, Anatoly Grinberg avait même tout du bon faiseur, un certain sens de l’atmosphère que son amour du beau son bien léché menace tout de même de faire basculer, depuis le récent Struktura, du côté émo et propret de la force. Néanmoins, à l’image d’un Mnemonic devenu Architrav, c’est à une toute autre hauteur qu’évolue le Russo-Israëlien sous le mystérieux avatar de Massaith, projet qui lui permet d’exorciser quelques souvenirs de ses années de service militaire en tant que conducteur de camion (« massaith », donc, en Hébreu) sans se soucier de tirer l’auditeur de sa zone de confort. Pour cause, offert au téléchargement, II de toute évidence n’a pas pour ambition de divertir la masse des amateurs d’électronique planante au sentimentalisme exacerbé.

Tout commence ainsi par la course folle d’un camion lâché dans les dunes, sirènes hurlantes, au rythme d’une batterie martiale et des zébrures droneques d’un oscillateur saturé. En 23 minutes la scène ne cesse de rejouer, mutante, étouffée, déformée au gré des bricolages semi-aléatoires de la machinerie synaptique dont elle est devenu le jouet cathartique. Élève de l’ingé son de Zappa, Anatoly Grinberg sait bien que du chaos et même de la laideur peut naître une poésie tout à fait singulière. C’est le cas sur In The Middle, second morceau-fleuve de l’album, le plus court : 20 minutes fantasmatiques et d’emblée éprouvantes avec leurs échantillonnages de voix féminines dont on ne saurait dire si elles expriment douleur, effort ou jouissance. On est pas loin du snuff movie porcin à la Matthew Herbert, les collages industriels agglomérant leurs beats concrets faits de bric et de broc entre deux passages plus feutrés où se télescopent sirènes de police, nappes de synthés troublantes et ronronnements félins. Ce monde de l’entre-deux, où les field recordings et le désordre environnant rencontrent l’abstraction et la néguentropie du processing mental, laissera place sur Interior à une étrange drum & bass assourdie toute en stridences analogiques et pulsations grouillantes, final d’une demi-heure bon poids flirtant avec le dark ambient et et les impros électroniques bruitistes et foisonnantes d’un Keith Fullerton Whitman.
En deux mots comme en cent : un formidable OVNI sonique en quête d’identité, à réserver aux auditeurs que les expériences limites n’effraient pas.


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