Otto A. Totland – Pinô

Sur le thème « – Je lui dirai les mots bleus, les mots qu’on dit avec les yeux.- Un disque qui se passe de mots, et très bien, merci!… » de la 8ème édition du Grand Jeu sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.

Un disque qui se passe de mots, donc on en écrira peu. Un disque qui se passe de mots, donc sans voix, instrumental. Pour mettre à l’honneur un tel album, autant aller chercher un artiste qui ne s’adonne qu’à un unique instrument, dans son plus simple appareil. Le premier album de Otto A. Totland n’est que piano, bribes qui s’enchaînent et s’enchevêtrent.

Mais le Norvégien n’est pas n’importe quel pianiste. On le connaît aux côtés du violoncelliste Erik K. Skodvin pour leur projet Deaf Center, dont les quelques disques font figures de fondamentaux (inégalable Pale Ravine). Avec Nest, il collabore également avec Huw Roberts (Serein). Sur le très estimable Sonic Pieces qui l’accueille aujourd’hui, il avait déjà sorti un maxi accompagné de Skodvin, Harmony From The Past, en 2012.

Du piano donc, et quelques enregistrements d’extérieur, de brefs cris d’oiseaux et surtout ce bruit du toucher, des doigts sur les touches et le son mat du marteau sur les cordes. Sur ce plan là, la production est impeccable et la patte de Nils Frahm au mastering, caractéristique. Alors que les émotions transmises explorent des contrées proches de celles investies par Felt, la comparaison avec les propres travaux du Berlinois semble presque trop évidente.

18 titres, d’en moyenne deux minutes, Pinô est édifié sur des fragments de phrases musicales, qui se lient en un unique mouvement. De ce morcellement provient probablement cette relative légèreté qui baigne l’album comme une lumière déclinante. Ces passages d’une poignée de notes à l’autre, entre les silences retenus et le dépouillement des mélodies, préservent d’une plongée en eaux trop sombres et en même temps maintiennent une forme émouvante de gravité. Otto A. Totland joue comme un peintre délicat, par petites touches, sur la crête des vagues de la mélancolie.

Manolito

11 thoughts on “Otto A. Totland – Pinô

  1. J’adore le piano, et les morceaux que tu proposes à l’écoute font plus que m’enchanter. Quelle sensibilité !
    J’ai griffonné pas mal de noms sur ma liste de trucs à écouter grâce à toi 😉 C’est pour ça que j’aime le jeu.

    Très beau choix !

  2. La moitié de Deaf Center… j’attendais beaucoup de ce mec, ce groupe.. c’est une aubaine ce truc.. puis tu parles de « Felt ».. un son de chevet .. Frham, Skodvin.. merci pour ça vraiment.. je l’ai chroniqué tot, pour me laisser un silence obligé sur « L’imprudence ».

  3. Hello.
    Je dis peut-être une connerie mais ce truc me fait penser à Rainbirds de Waits et ça m’interpelle. Et pourtant depuis Anders Breivik je me méfie des norvégiens …
    Thanx

  4. Je m’en vais explorer cette piste, il y a plein de « non dits », on dirait que c’est un disque qu’il faut aller chercher, qui ne raconte pas tout immédiatement…

  5. Pour « Un disque qui se passe de mots… » : Superbe choix, BRAVO !!! Et en peu de mots ‘justement), tu as magnifiquement décris les émotions dégagées par ce disque, son piano et ses ambiances émotionnellement surpuissantes !!!

    Perso, je viens de découvrir ce disque grâce (encore une fois) à l’ami Charlu, grand amateur/connaisseur et surtout « passeur » de musique dite néo-Classic/Ambient/Drone/intru…..
    Erik K. Skodvin, Deaf Center, le label Sonic Pieces, Nils Frahm et son somptueusement beau « Felt »…..tant de références (pertinemment cités) qui me parlent, me touchent vraiment.
    De Deaf Center, je connais surtout « Owl Splinters » mais pas « Pale Ravine » (leur premier je crois).
    A +

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