Date de sortie : 21 février 2025 | Labels : Araki Records, KdB Records, Urgence Disk et Atypeek Music
Comme souvent avec Fragile Figures, je tarde à trouver le chemin du clavier alors que le disque m’accompagne depuis sa sortie. Une nouvelle fois, il porte très bien son nom tant la musique de See The Charcoal Rats semble sortir de l’en-dessous. Plus que jamais, ses contours sont tracés au charbon et de grands à-plats anthracites remplissent l’intérieur grouillant d’une vie invisible. On y retrouve les traits principaux d’Anemoia (et de Silent Scars avant lui) rehaussés d’un velours synthétique. Les machines ont toujours été présentes bien sûr mais il me semble qu’elles sont cette fois-ci placées bien devant et contre toute attente, elles apportent de la chaleur aux courts métrages du duo. En effet, bien que drastiquement muet sur celui-ci (en dehors des quelques samples cinématographiques), Fragile Figures n’a pas son pareil pour faire naître des images derrière les yeux. Ce ne sont toujours pas des histoires mais plutôt des ambiances et des lieux qui se construisent via les beats pelés et les nappes anxieuses. La basse de Julien Judd sonne toujours aussi mortifère et la guitare de Kai Reznik reste tendue mais malgré ces traits malaxés depuis le début, See The Charcoal Rats parvient à surprendre. C’est que la musique ici n’est pas, n’a jamais été, ne sera jamais une formule, c’est plutôt un mouvement et le duo aime explorer la nuance. Ça ne s’entend pas forcément, il faut fouiller les interstices mais les disques de Fragile Figures sont ainsi loin d’être tous identiques.
D’emblée, Charcoals montre bien que le chemin sera synthétique : les nappes tintinnabulent à l’endroit et à l’envers, apportant de la luminosité à un parterre par ailleurs complètement moribond. C’est tout à la fois vif et affligé et c’est bien là que se situent la nuance et la subtilité qui caractérisent le duo. C’est très sombre mais ce n’est pas que sombre, ce sont les petites éclaircies qui révèlent le charbon et lui apportent une grande variété de noir. Mosquito se fait plus léger mais reste néanmoins tendu via ses beats volontaires. L’Automne va encore ailleurs en retrouvant un peu de chair tout en conservant ce souffle fantomatique, lointain, exténué et profondément mélancolique. Trois morceaux seulement et des chemins tous différents pour atteindre plus ou moins le même bunker. Les trois suivants sont du même acabit, se ressemblent sans se ressembler, malaxent la même pâte arachnéenne et on se dit que le titre du dernier morceau est plutôt, une nouvelle fois, bien trouvé.
On les voit bien les rats charbonneux et plus que jamais, Fragile Figures se déleste pour viser l’épure. Tout à l’économie mais c’est bien pour ça que les images frappent autant : sans fioritures, c’est le propos qui est mis en avant. Et celui que porte See The Charcoal Rats mérite qu’on s’y arrête. Ajoutons à cela une très belle pochette (Aaron Bonogofsky) et on comprend aisément que ce disque est à nouveau une belle réussite.
leoluce