Girls In Synthesis – The Rest Is Distraction

Date de sortie : 14octobre 2022 | Labels : Own It, Cargo Records

Girls In Synthesis demeure très prolifique mais en plus, Girls in Synthesis demeure franchement formidable. Ce nouveau The Rest Is Distraction happe dès la première seconde, malmène l’encéphale et recrache ce qu’il en reste à l’ultime seconde. Le trio partait de très haut mais réussit néanmoins à faire encore mieux en conservant la même formule : (post-)punk au vitriol, foncièrement arty, lucide et concerné, insulaire autant qu’angulaire.
Ça ne s’appesantit jamais, les morceaux restant bloqués sur leur trois minutes réglementaires (en moyenne) et quand ça dépasse les quatre, c’est toujours justifié. Généralement, ça avance droit devant mais il arrive que Girls In Synthesis explore la répétition maladive (My Husband) voire la glauquitude grouillante (Screaming) et à la toute fin, c’est assez frappant de se rendre compte à quel point tout cela est varié. C’est bien sûr très monolithique mais aussi parcouru de lézardes inattendues qui viennent sans cesse nuancer le bloc indivisible : le velours bruitiste qui recouvre la plupart des morceaux, les petits bouts de mélodie qui apparaissent ici ou là, la dynamique très largement accidentée…
Ça reste néanmoins foncièrement claustrophobe, la paranoïa suinte de partout et s’il se situe très clairement dans des contrées anarcho-punk déjà largement identifiées, on se dit qu’il faudrait presque inventer une nouvelle étiquette pour définir The Rest Is Distraction. C’est un pur produit de notre époque, ça sent la guerre, la mégalopole galopante, les larmes amères, l’exaspération et la colère. Ça oscille en permanence entre propos purement politiques et enclaves plus personnelles et introspectives. Ce n’est pas non plus drastiquement nihiliste puisque le combat et la pensée sont présentés comme des alternatives à la résignation et au coma collectif. Le tout en manipulant une musique retorse bien plus complexe qu’il n’y parait.

La batterie (Nicole Pinto) sonne invariablement comme une pluie d’éclairs s’abattant sur une quelconque surface métallique, la basse – bien que veloutée – est très industrielle (John Linger qui chante aussi) et la guitare tisse des gerbes de napalm alentour (Jim Cubitt aussi aux claviers). Avec tout ça, le triangle très resserré sculpte ses écorchés : le parfait It’s All Beginning To Change en ouverture pour mettre tout le monde d’accord et le reste pour tordre les synapses et les reconfigurer au diapason d’un disque lui aussi, à tous les niveaux, sans l’ombre d’un doute, parfait.
Ce qui frappe, c’est la recherche perpétuelle, l’exploration, la place par exemple laissée aux claviers qui ne sont jamais là pour faire danser ou arrondir les angles. Ils s’encastrent dans les structures, fournissent un écho étrange, bruitiste et fuselé qui décuple encore le chaos des morceaux : sur Swallowed Pill par exemple, alors que la dynamique est déjà bien urgente, ils l’hérissent d’échardes tranchantes et de multiples lames de rasoir qui donnent une idée bien précise de ce que contient la pilule mentionnée dans le titre.
Il en va ainsi de tout l’album qui alterne entre missives punk bien sauvages (It’s All Beginning To Change, Swallowed Pill ou Not As I Do et d’autres), morceaux plus mesurés, presque scandés mais pas moins urgents (Watch With Mother ou Screaming et d’autres) ou post-punk désespéré (My Husband ou To A Fault et d’autres)… et j’en passe parce que les quelques étiquettes susmentionnées n’adhèrent vraiment que très modérément à ce que The Rest Is Distraction donne à entendre.
Il y a beaucoup de Wire là-dedans, l’envie de dépasser le cadre strict des morceaux pour en faire bien plus que des morceaux : tout est très pensé mais n’entrave en rien la spontanéité et surtout, depuis les premiers singles, le groupe n’arrête pas de muer pour, à chaque fois, revêtir une peau encore plus sidérante.

Et effectivement, à côté d’un tel album, tout le reste n’est que distraction.

Grand !

leoluce


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