Labasheeda – Blueprints

Date de sortie : 03 novembre 2023 | Label : Presto Chango Records

Sixième album déjà et pourtant, jusqu’ici, aucune chronique sur ce webzine pour rendre compte du parcours discret mais sans faute de Labasheeda. Il faut dire que l’entité néerlandaise a tendance à sortir des disques qui ne payent jamais de mine de prime abord et ne se révèlent pleinement que sur le temps long. Pas vraiment compatibles avec notre ère numérique pressée mais cette fois, peu importe, j’en parle.
Saskia van der Giessen et Arne Wolfswinkel reviennent donc ces jours-ci avec Blueprints et pas mal d’invités venant prêter leurs cordes et leurs claviers à onze nouveaux morceaux qui se situent dans l’exacte lignée des albums précédents tout en continuant à défricher des terrains plus inédits. Au menu, de l’indie-rock tendu, fiévreux qui menace sans cesse d’exploser mais non parce que « Don’t rush/You better think twice » (le Fossils d’ouverture).
La voix très incarnée de Saskia plane toujours majestueusement au-dessus d’une pléthore d’arrangements accidentés et retors qui, pourtant, de loin, paraissent bien sages ou classiques. Blueprints ne se prête que très modérément à l’écoute instantanée tant il se révèle par petites touches successives. C’est le genre de groupe et d’album vers lesquels il faut revenir souvent sous peine d’en perdre des miettes et c’est justement dans les miettes que beaucoup de choses se jouent : le vocabulaire racé des guitares par exemple, les interventions toujours déterminantes des cordes, les petites touches de marimba ici ou là, le grand soin porté aux constructions qui gardent leurs angles sans jamais amenuiser les mélodies et j’en passe échafaudent des morceaux où la tension ne retombe jamais.

Injectant aujourd’hui des couleurs gothiques dans sa palette tachetée d’éclats ’90s, Labasheeda décuple encore son envergure : Homeless, Procedure ou Tigre Royal filent un coton mauvais et ferraillent avec des choses plus douces mais pas moins inquiètes (Vanity ou What Remains Is Love) et d’autres un peu plus charpentées (Closure, Curiosity et quelques autres) et si l’ensemble trace lentement son chemin jusqu’à l’encéphale, une fois en place, il n’en bouge plus et révèle toute sa profondeur. Alors peut-être que de prime abord tout ça n’a l’air de rien ou donne l’impression d’avoir déjà été entendu à maintes reprises mais à la fin, on se rend compte surtout à quel point Blueprints est singulier : c’est apparemment simple mais c’est aussi très accidenté et alors que le climat général annonce de gros orages, ces derniers n’éclatent jamais car le groupe s’arrête systématiquement une micro-seconde avant le point de rupture.
En outre, bien qu’il parcoure un large spectre picorant autant du côté des ’80s agonisantes que des ’90s, Labasheeda ne donne jamais l’impression de ne regarder qu’en arrière. Au contraire, en trouvant un bel équilibre entre bruit, mélodie et expérimentation, il sonne intemporel et ça donne cet album qui à la fois lui ressemble en tout point et qui paraît ne s’adresser qu’à soi. C’est bien pour cela qu’il touche systématiquement en plein cœur.

Une nouvelle fois, belle œuvre.

leoluce

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