SAVAK – Beg Your Pardon

Celui-là encore ne sera ni sombre et encore moins dérangé mais d’une belle élégance et surtout d’une grande immédiateté. Parce que parfois, il suffit de brancher ses instruments, de pousser les potards et de balancer tout ce que l’on a au bout des doigts pour communiquer le plaisir évident que l’on a à jouer. Chez SAVAK, on ne trouvera aucune fioriture – tout tombe pile au moment où ça doit tomber – mais beaucoup de trajectoires rectilignes qui, du point A, rejoignent le B sans embardées et dessinent des morceaux ultra-efficaces qui se calent pour un bon bout de temps dans l’encéphale. Ils nous avaient déjà fait le coup avec leur précédent, Cut-Ups, qui avait débarqué sans crier gare au beau milieu de l’été 2017 et s’était hissé au rang de petit classique instantané qu’il n’a plus jamais quitté. Beg Your Pardon, aujourd’hui, suit les empreintes de son aîné : du punk-pour-faire-vite cerné par un trio guitare-basse-batterie inébranlable et soudé qui ne s’interdit rien – surtout pas d’aller picorer dans d’autres prés carrés pourvu que ça sonne – et met sur pied des vignettes épatantes qui font beaucoup de bien. On entend moins les cuivres mais toujours l’indéniable savoir-faire qui permet d’agrafer ensemble des éléments a priori bien éloignés les uns des autres : la sécheresse du hardcore et l’évidence de la pop, les lignes brisées du punk et  celles beaucoup plus arrondies de la new wave entre autres joyeusetés. Les douze morceaux s’enchaînent et visent juste en permanence, les textes sont toujours aussi bien foutus au même titre que la musique qui les enveloppe et jusqu’à la fin, le plaisir ne s’émousse jamais. Sec, efficace, inventif et fureteur, avec Beg Your Pardon, SAVAK persiste dans l’artisanat authentique et envoie bouler tous les petits punks en plastique qui sonnent en comparaison trop formatés.

Resserré autour du trio Sohrab Habibion, Michael Jaworski et Matt Schulz, SAVAK commence par parler de sa Dead Dick quand tout l’album démontre qu’au contraire, il bande encore. «You once claimed that/Rock’n’roll was dead/ »Just like painting »/Is what you said» constate-t-il sur We Lead Them To Our Doors avant de répondre «We need them», une profession de foi qu’il s’acharne à appliquer tout au long du disque. Nous aussi on a besoin de SAVAK et de ses invités (une nouvelle fois nombreux), tous agis par leur musique, ce qui la fait sonner systématiquement juste. Les titres défilent les uns après les autres et tous accrochent d’une manière ou d’une autre : le lancinant et psychédélique Agronomy Domine qui précède la fusée Cryptienne Door Deals & Debts quand Bad Omen s’essaye à la pop versant K Records avant que de très kitschs claviers typés ’80s ne viennent saloper le tout – drôle de mélange, vraiment – et puis il y aussi le très beau Our Savage Wit et plein d’autres chouettes trouvailles et amalgames inattendus qui maintiennent la jubilation à des hauteurs insoupçonnées tout du long. Alors c’est vrai qu’il arrive à SAVAK de trébucher en s’appuyant sur des arrangements parfois suspects mais peu importe, il emballe le tout avec tellement de plaisir et d’énergie qu’on y adhère malgré tout. Sa mixture pourtant ouverte aux quatre vents donne une nouvelle fois naissance à des morceaux et à un disque épatants, racés, qui perpétuent joliment tout un pan de la musique d’outre-Atlantique à laquelle on reste très attaché. Il a beau emprunter à droite à gauche, en appeler à un large segment musical qui s’étend des ’70s à aujourd’hui, ce que l’on retient avant tout, ce sont toutes ces sonorités qui renvoient aux belles heures de Touch & Go, Dischord, Sub Pop et compagnie. Un pied dans une certaine tradition, l’autre complètement en dehors.

Goûtez au vrai truc.

 

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