Date de sortie : 20 mai 2025 | Label : Kythibong
Spelterini est de retour, toujours juchée sur son fil, par-dessus les embruns. Deux titres au menu, éponymes forcément, frisant les vingt minutes. Enfin, il faudrait plutôt parler de mouvements, initiés par un rebondissement ou une saturation, grossissant, se rétrécissant, explosant et implosant tout en restant sur la ligne tendue qui, partant du début, rejoint la fin.
Mouvant, mutant, fractionné, patchworké, ce troisième album reprend exactement les choses où Paréidolie les avait laissées tout en allant encore ailleurs. Il reprend l’ossature de Pergélisol / Chorémanie – deux mots accolés, illustrés chacun par une pièce aux multiples directions – et garde du suivant l’errance tout en resserrant le temps et ce faisant, se rapproche encore un petit peu plus de lui-même. À l’écoute, on a de moins en moins envie de convoquer Papier Tigre ou Chausse-Trappe tant Spelterini est désormais autonome.
En s’inscrivant dans une forme de continuité mais avec des traits qui lui sont spécifiques, ce troisième album montre un groupe complètement acquis à l’exploration, qui aime jouer l’équilibre, la répétition, la stase ou le durcissement dans de vraies compositions. Tout est parfaitement distribué et à sa place alors que le groupe manipule des éléments qui ne demandent qu’à s’échapper. C’est l’un des grands paradoxes de Spelterini – et de ce disque en particulier – de laisser les choses advenir et se répandre jusqu’à leur extrémité sans qu’elles ne débordent jamais. Pourtant, il se passe mille choses dans ces amoncellements kosmische/drone/noise alors qu’il pourrait si facilement ne s’y passer rien ou, pire, rien d’intéressant.
Ce n’est évidemment pas le cas. C’est même tout le contraire.
Hyomon-Dako (le nom japonais d’une pieuvre bien jolie mais mortellement venimeuse) bute d’abord sur sa répétition forcenée, emprunte des chemins bucoliques quand les guitares débarquent puis emballe le rythme en visant la voûte étoilée tout en gardant les deux pieds sur terre. C’est une longue stridence bien prenante quand Magnésie la joue plutôt course échevelée alors même que le morceau empile les strates jusqu’à devenir un genre d’éléphant psychédélique mais véloce. Il est lui aussi très prenant. On n’est jamais très loin de la transe voire carrément dedans et on peut prendre le disque par n’importe quelle face, à n’importe quel moment, on reste en permanence dedans.
Spelterini ne lâche jamais le fil, laisse les choses lui échapper pour les ramener, toujours, sur le fil. Le fil en prend plein la gueule, se tord et se distend, frise la rupture mais ne casse jamais. Et alors que tout cela nous amène plutôt loin, on n’est jamais perdu. Tout est naturel, simple, évident alors qu’on voit bien que les choses sont loin de l’être.
In fine, le mouvement de Hyomon-Dako / Magnésie colonise entièrement le nôtre, reconfigure les neurones et, tranquillement, impose sa doxa. Difficile de rester de marbre. Impossible de résister. On résonne avec le disque et on le suit, jusqu’au bout, sur son fil.
leoluce