Spelterini – Paréidolie

Date de sortie : 04 octobre 2022 | Label : Kythibong Records

Deuxième album pour Spelterini et, déjà, ça n’a plus rien à voir. Même si c’est tout pareil.
D’abord une interrogation, qui prend corps très lentement, au fur et à mesure que se déploie le seul morceau que compte le disque : mais où sont passées les guitares ? Après au moins vingt minutes, difficile d’en identifier la moindre trace (même si elles sont certainement là). En revanche, on entend bien les claviers. Une note esseulée qu’un martellement, d’abord moribond, rejoint lentement.
Et puis…
Rien.
La note grossit, le martellement s’affirme, d’autres sons se greffent à l’écorché. Ça module, ça trace des arabesques sinusoïdales, ça polypiétine, ça endosse des airs de Terminator ouaté et difficile de savoir si ça avance. C’est très proche d’une tache d’encre noire qui imbibe le papier et qui se diffuse lentement, imprégnant la fibre en changeant de teinte progressivement, abandonnant le noir pour atteindre le gris et la transparence. Le morceau grossit simplement en rajoutant de la matière qui, partant du centre, colonise tout l’espace alentour. D’autant plus que sans la voir venir, une ossature est apparue où la répétition est de mise. La polyrythmie se déchaine et puis bam !
Cloche.
Silence.
Conque marine, vieux port et feedback. On est encore ailleurs même si, cette fois, on a perçu la transition. C’est parti pour le chant silencieux des stylets aquatiques. Un silence pas du tout silencieux qui fait naître d’étranges images derrière les yeux. Les usines lévitent à l’envers, abandonnées mais actives. Des ondes pures sortent des hauts fourneaux. La cloche hante l’arrière-plan. Le charivari percussif éclate d’un coup et se maintient jusqu’au bout. Et c’est fini.

le morceau s’appelle Paréidolie et c’est plutôt bien vu. Je ne vais pas faire le malin, je ne savais pas du tout ce que ça voulait dire : « phénomène psychologique impliquant un stimulus (visuel ou auditif) vague et indéterminé […] et consistant à identifier une forme familière depuis ce stimuli, dans un paysage, un nuage, de la fumée, une tache d’encre, une voix humaine, des paroles. » Du stimulus auditif à l’œuvre ici naissent plusieurs formes sonores, se rapprochant du krautrock autant que du gamelan et d’autres formes encore, dont certaines plus visuelles.
Bref, on peut y voir ce qu’on veut, essayer d’imaginer les images qui dansaient devant les yeux de Spelterini lorsque le flux sortait de ses doigts ou tenter de décrire la forme initiale (en pure perte). Dans tous les cas, je reste à chaque fois un bon moment à scruter la musique et à chaque fois, j’y vois des choses différentes alors qu’en lui-même, le morceau n’est pas si flou et indéterminé. C’est juste une ligne qui mute, très percussive et plus ou moins épaisse selon les moments. Paréidolie, c’est un genre de Can hyper-industriel et très minimaliste, mi-Chausse Trappe mi-Papier Tigre étant donné son pedigree, « drum & drone » tel que défini par eux-mêmes, voisin de palier de Mange Ferraille et en disant tout ça, on n’a évidemment rien dit puisqu’il y a fort à parier que vous y trouviez bien d’autres choses.
Spelterini, plus que jamais, est ce laboratoire en recherche perpétuelle. Mais ce n’est jamais abscons et tout ici semble avoir été capté pour faire participer l’auditeur.trice. De la pochette qui pourrait figurer le Mont Saint-Michel, un amas de limaille de fer ou de simples lignes de crêtes à la musique qu’elle renferme, on fait ce qu’on veut de ce morceau fracturé, un peu comme si le groupe nous laissait une place et qu’on en faisait partie en devenant le miroir de sa musique.
Dans tous les cas, écoutez.

leoluce

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