Neige Morte – TRINNNT

Troisième album de Neige Morte après un Bicephaale parfaitement dégueulasse et agonisant en 2014 et un éponyme qui ne valait pas bien mieux quatre années auparavant, TRINNNT poursuit exactement la même voie (mais avec un line up différent comprenant maintenant une basse) : celle d’une musique qui suinte – la haine, la rage, la violence, la déviance, le nihilisme, le désespéré – et qui n’arrondit jamais ses angles. Le son est crade et sans fioritures et les morceaux sont parfaitement déstructurés et disloqués. Le chant incantatoire (S.A.) n’est qu’un long râle guttural quand il ne se lance pas dans des cris exténués, il est en permanence viscéral et suinte lui aussi – la haine, la rage, la violence, la déviance, le nihilisme, le désespéré. La guitare (S.A. encore) est complètement viciée et balance de l’acide sulfurique sur ses riffs jusqu’au-boutistes, la batterie martèle ou tabasse (J.G.) et la basse (S.G.) précipite le tout dans les tréfonds, tout près du charnier, au beau milieu des cadavres. Ça ne rigole pas et ce n’est pas là pour ça de toute façon. Neige Morte, c’est du Black Metal. Enfin, en gros. Dans une déclinaison vraiment très personnelle. Si le nom du trio lyonnais ramène au grand froid norvégien, sa musique s’éloigne des standards érigés dans ces mêmes contrées et d’ailleurs, avec TRINNNT, il semble que le Death Metal s’invite désormais dans l’équation. Et puis, on trouve encore cette grosse vibration expérimentale et ces échardes noise qui font que l’on abandonne bien vite toute velléité de catégorisation. Neige Morte joue du Neige Morte et on en restera prudemment là parce qu’au final, tout ça n’a pas grande importance. L’important, c’est ce que procure le disque, ce qu’il provoque et le moins que l’on puisse dire, c’est que n’est pas bien joli.

Poisseux, glauque, recouvrant la moindre idée d’un éclat noir anthracite, TRINNNT incurve la course des émotions pour les ramener toutes au même endroit : la part d’ombre planquée dans les tréfonds de la machinerie interne. Celle que l’on interroge rarement et qui renvoie un reflet tellement peu flatteur dans le miroir que l’on préfère la camoufler sous une tonne de vernis avantageux. Niquez Bien Tous Vos Mères s’époumone Neige Morte et comment ne pas faire immédiatement nôtre sa profession de foi ? Tabassage systématique, psalmodie inintelligible, ralentissement soudain, double pédale, riffs biscornus et basse marteau-piqueur, c’est moche, glacial et sans espoir aucun. Avant ça, Du Blev Min DemonVous êtes devenus mon démon» en suédois ?) a posé le décors avec plus ou moins les mêmes armes mais selon une dynamique différente : tout le monde en même temps jusqu’à ce que ne subsistent que quelques arpèges puis à nouveau tout le monde ensemble. C’est sidérant de jusqu’au-boutisme mais c’est aussi très bien construit, la tension reste permanente et ça explose les enceintes sous un déluge flou de sons viscéraux et malfaisants. TRINNNT atteint d’ailleurs son paroxysme de violence avec De Dödas RösterLes voix des morts» toujours en suédois ?), un morceaux court qui déverse des tombereaux de rage avant de subitement tout suspendre dans les airs. C’est bien ça qui accroche très fort : ces quelques enclaves apaisées où les mélodies remontent à la surface avant d’être immédiatement noyées sous la boue. À chaque fois, ça ne dure qu’un bref instant mais ça met en exergue tout le reste : la colère, la violence et le noir absolu.

Une atmosphère étouffante et sans issue culminant sans doute durant les treize minutes du dernier morceau, Le Lac, où on a vraiment l’impression que Neige Morte appose ses doigts autour de notre cou en serrant très fort : d’abord drone esseulé parcouru de râles agonisants, le morceau laisse revenir petit à petit basse et batterie sans s’emballer et s’évapore surnoisement jusqu’au final virulent où l’on discerne pour la première fois une mélodie disloquée dans la masse furieuse. On l’a déjà dit, derrière l’agression dissonante et la cacophonie distordue, tout cela se montre parfaitement construit. Et extrêmement créatif. Alors c’est vrai que l’on peut rechigner à s’envoyer dans les dents un tel bloc inhospitalier mais on vous promet que TRINNNT vous le rendra au centuple si jamais il vous vient à l’idée de jeter un œil dans le miroir sans concession qu’il vous tend. D’autant plus que tout vient à sonner javellisé et sans âme après son écoute.

Intense.

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