Brainbombs – Cold Case

Pochette blanche immaculée, petit sticker rectangulaire orangé collé au centre représentant je ne sais trop quoi – une morgue ? le fond d’une fosse commune ? une scène de crime ? une poupée vaudoue ? – et rien. Pas même le nom du groupe. Et bien sûr, sûrement pas les titres. Pour les trouver, il faut scruter le rond central.
En revanche, lorsqu’on lance le disque, les informations affluent. Enfin, les informations… Une seule en fait. C’est du Brainbombs. Et plus le bras avance sur le vinyle rouge (choisi pour d’obscures raisons alors que le noir existe aussi), plus l’information s’incruste. C’est du Brainbombs. Mais c’est aussi franchement étonnant. Habituellement, on prend en pleine poire des giclées glauques et affligées mais pas là. Pour un peu, ça semblerait presque primesautier. Presque.
J’ai bien du mal à imaginer les Suédois succomber aux sirènes du tout-venant mais force est de constater que ça sonne très post-punk tout ça. Bien sûr, on est plus proche d’un Totalitär qu’autre chose mais pour la répétition forcenée et maladive, les proto-riffs stoogiens et le grand malaise, de prime abord on se dit qu’il faudra fouiller un peu plus profondément dans les recoins cette fois-ci.
Il y a comme un changement de paradigme. Déjà, associer « Brainbombs » et « changement » à de quoi surprendre mais c’est surtout que l’ensemble fait preuve d’une certaine forme de groove. Déjà entraperçue néanmoins ici ou là, notamment via Malfunction, l’avant-dernier titre d’Inferno, leur précédent méfait de 2017 même si tout Cold Case n’a rien à voir. Bon, et alors, c’est bien ou pas ? Oui, c’est bien. C’est du post-punk à la Brainbombs et donc c’est déviant et, au fond, on reconnait sans peine tout l’Art de cette entité corrosive qui ne s’épanouit qu’à l’ombre de l’inconfort et du pas clair.

Dès le premier titre, Cold Chase, on identifie la trompette flinguée, la voix délavée et tout le reste mais c’est un poil plus accessible que d’ordinaire. Pourtant, à bien y regarder, on retrouve l’ossature principale : les guitares drastiquement bloquées sur le même obstacle qu’elles ne franchiront de toute façon jamais, la logorrhée azimutée et la batterie qui tapote dans son coin. Et c’est exactement la même chose sur exactement tous les autres morceaux.
Mais d’où vient alors cette impression d’ouverture et de presque légèreté ? Simplement d’une poignée de titres : Cold Chase donc, I Love You All et Shadows sur la première face puis Trust, Lost In The Past ou encore It Was Easy sur la deuxième entrouvrent légèrement les persiennes, mettent en avant lignes de basse ou riffs tangentiellement élégants, ersatz de mélodie simples mais prenants et font parfois oublier que dans l’arrière-plan, il se passe des trucs pas bien jolis. En gros, un titre sur deux cernant des choses plus prototypiquement brainbombsiennes mais qui suffisent à rompre la doxa dégueulasse et la rendre un poil plus accueillante.
Un poil seulement, parce que ça crisse et ça racle toujours beaucoup et Cold Case s’inscrit in fine sans peine dans le sillon mortifère de Brainbombs. « Die Dead Death » proclame, répète, assène et vomit d’ailleurs le dernier morceau, il s’agirait de ne pas l’oublier. Le cadavre sur le rectangle orangé, le titre même de l’album, l’abrasif wah-wahien partout, la trompette à l’agonie, la voix de plus en plus détachée, I Am Cocaine en deuxième position, In Pain ou encore Return Of The Ripper plus loin, tout ça concoure à la mise en place d’une belle entropie il est vrai un peu moins nauséeuse qu’à l’accoutumée mais tout de même bien réelle.

Une nouvelle fois, Brainbombs fait mal et ce faisant, fait mouche.

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