Aujourd’hui, on va parler clou rouillé et escarre, ongle incarné et tétanos. Aujourd’hui, on va tout repeindre en glauque et balancer de grandes giclées de punk affligé sur un parterre noise dégueulasse. Aujourd’hui, on va aller au-delà du noir pour explorer l’encore plus noir et se rendre compte qu’une fois arrivé là, plus rien n’a d’importance. Aujourd’hui, on va parler Brainbombs par le biais d’Inferno, leur dernier méfait en date, subitement apparu il y a quelques semaines alors qu’on ne s’y attendait pas. Même pas un pavé dans la marre, simplement la nouvelle pierre d’un édifice dont, au fond, on se demande en permanence comment il peut encore tenir debout. Apparue à l’orée des ’90s, l’entité suédoise a connu une discographie chaotique d’où sourd en permanence un nihilisme exacerbé tendance poisseux, revolver dans la bouche et corde autour du cou. Une discographie où le pire côtoie le navrant. On n’est jamais à l’aise à son écoute et on sent toujours que le groupe n’en a rien à foutre que l’on perde son temps à l’écouter ou pas. Ce n’est pas pour nous mais ce n’est même pas pour eux. Ça sort et ça reste là. Ce n’est pas offert, encore moins donné, ça existe et c’est tout. On s’en empare ou pas et on en fait ce que l’on veut, ce que l’on peut. Fidèle à son credo, sur Inferno, Brainbombs fait du Brainbombs. Un riff sur le même riff sur le même riff sur le même riff, fin du morceau. Un autre riff sur un autre riff sur un autre riff sur un autre riff, fin de l’autre morceau. Et ainsi de suite jusqu’à la fin du disque. Ici ou là, une trompette à l’agonie. Tout le temps, partout, la voix délavée qui débite ses histoires de meurtres, de haine de soi ou des autres, de sexe déviant, d’humiliation et de mort. La batterie poum-tchack sans se presser, métronomique. C’est minimaliste, répétitif et surtout, salement malsain.
On se demande souvent si l’écoute d’un seul morceau de n’importe quel disque des Brainbombs ne suffirait pas à cerner l’ensemble de leur discographie, pourtant, à chaque fois que l’on apprend qu’une nouvelle occurrence s’ajoute aux précédentes, on s’empresse de l’acquérir. Le constat reste le même : c’est toujours pareil et Inferno ne fait pas entorse à la règle. Tout ça, on l’a déjà entendu à maintes et maintes reprises et pourtant, rien à faire, on reste sidéré comme aux premiers jours. On s’en fout de savoir si c’est moins bien ou meilleur, si ça renvoie aux fulgurances visqueuses d’Obey ou aux quelques remplissages de Disposal Of A Dead Body, la seule chose qui compte, c’est d’observer comment ces huit morceaux vont flinguer la journée. Avec celui-là, ça sera dès l’entame (le titre éponyme), à grands coups de déflagrations malades. Trompette lointaine, riff se diluant en larsen aigu, la voix navrée, tout est là, à sa place. La batterie marque la pulsation. L’autre guitare arrive, déballe sa logorrhée altérée et wah-wahienne et c’est parti pour quelques minutes de gaudriole. They All Deserve To Die poursuit le même chemin déglingué, la voix de plus en plus cachée dans la masse. Puis Rock Your World et If You See My Face achèvent la face A, stoogienne et carbonisée. La B ne vaut pas mieux et conserve le même souffle nocif en commençant exactement comme la A. D’abord An Eye For An Eye, trompette de la mort et répétition aliénée, suivi de Just An Ordinary Fuck, nouveau caillou dans la chaussure continuant à agacer la progression : roulements de toms et voix plus en avant. Puis ça mute. Ça s’appelle Malfunction et c’est plutôt bien trouvé. Plus posé, presque psycho-soul, on dirait que Brainbombs s’essaye au groove pour un résultat bien évidemment déviant. Wanted To Kill You finit d’engluer l’auditeur dans un déluge de wah-wah moribonde et le laisse pantelant à méditer sur cet ultime message d’amour et ça s’arrête.
C’est moche, c’est glauque.
C’est beau.
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