Catalogue – High. Grey. Effective.

Où l’on va encore parler de post-punk. Je vous imagine déjà en train de réfréner un bâillement mais 1. peu importe et 2. 2019 se montre particulièrement prolifique de ce côté-là des musiques amplifiées. Du coup, on va continuer à se faire plaisir en essayant de parler du nouvel album (le deuxième) de Catalogue, trio marseillais qui agrafe une basse arachnéenne à deux guitares incisives. Tout à côté, la boîte à rythmes trépigne et la voix d’Emma Amaretto (qui rappelle de loin celles du Chemin De La Honte), pleine de morgue, recouvre l’ensemble d’un voile insurrectionnel qui apporte beaucoup. Et puis, ce qui attire aussi, c’est la tension permanente qui irrigue ces onze morceaux : les deux guitares lacèrent le tapis caoutchouteux engendré par la basse et on se retrouve vite avec une jungle d’angles élégants qui confère un aspect toujours renfrogné, mal peigné et très vivant à Catalogue. Pourtant, le bloc de griffes ne parvient jamais à entamer complètement l’évidence mélodique qui tenaille High. Grey. Effective. et les morceaux n’ont vraiment aucun mal à s’inscrire sous la peau. L’album est une course en avant que rien n’arrête même si au final, on se rend compte que ça louvoie quand même pas mal. Car Catalogue n’est pas le groupe d’une seule formule : il aime nuancer son post-punk et le reconfigure souvent en y insufflant des poignées de ci avec des bouts de ça – on y décèle par exemple une certaine évidence empruntée à la pop et une implacabilité certaine qui provient du noise rock – et puisque le trio joue très resserré afin de préserver l’urgence de sa musique, rien ne déborde. Du coup, tout ça se montre régulièrement imparable et on tombe irrémédiablement sous le charme de ces morceaux véloces qui expriment avec justesse une forme de mal-être et de spleen très contemporains : « On fume des clopes on décapsule les bières à la chaîne (…)/on se fait chier on jette des regards torves à travers les pare-brise » sur le magistral La Disco d’ouverture ou encore « Let me suffocate inside a pillow/let me disappear into my bed/close my door and throw the key away/This will be my revolution » plus loin permettent de cerner le propos. L’ennui, le gris partout auxquels Catalogue oppose sa combativité car il devient très clair au terme de l’écoute que ces trois-là ne se laisseront pas faire.

La basse tisse sa toile et tapisse le moindre interstice – ses lignes sont plutôt inventives, à l’instar de l’itinéraire très fracturé de Coeur De Silex par exemple qui abandonne la démarche moribonde réglementaire pour fureter sur les bas-côtés – quand les guitares se chargent d’occuper ce qu’il reste, se montrant suffisamment tranchantes pour se ménager un espace quand celui-ci vient à manquer (100 Times A Day, Le Purgatoire ou encore N°5 plus loin). La boîte à rythmes, increvable et invariablement bloquée en mode frénétique, « ne descend pas au-dessous de 160 BPM » préviennent-ils et c’est vrai qu’elle balise efficacement les digressions de tout ce petit monde (l’imparable Haw à la toute fin). La voix pressée qui crache ses invectives en français ou en anglais c’est selon guide ou accompagne. Il n’en faut finalement pas plus à Catalogue pour mettre sur pieds des morceaux souvent mortels (dont certains étaient déjà présents sur leur démo de 2016) : tous accrochent d’une façon ou d’une autre et on en vient finalement à envisager l’album comme un tout plutôt que comme une succession de vignettes déconnectées les unes des autres. Entre les sprints (La Disco, Le Purgatoire, Haw entre autres) et les choses plus saccadées/chaotiques (The Brightness ou le bien nommé Acrobatic) voire larvées (Sleeping revolution, Shoes), le relief se révèle in fine fracturé alors que High. Grey. Effective. sonne monolithique tout du long. Passant du gris clair au gris foncé puis au presque noir, on voit bien qu’il ne se dépare jamais de sa couleur principale mais la décline en retour avec suffisamment de nuances pour éviter que l’ennui et la lassitude ne viennent saccager notre attachement au disque. Regroupant un Elektrolux (Eric Trolux, guitare), une Human Toys (Emma Amaretto, l’autre guitare et donc, le chant) et Raphaël Bathore (basse), Catalogue est un triangle ramassé et cohérent dont l’incontournable album méritait bien que l’on ressorte encore l’étiquette de sa boîte. Hautement addictif, il est parfaitement résumé par son titre qui en trois mots dit tout :

High.

Grey.

Effective.

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