Dead Neanderthals – Rat Licker

Date de sortie : 02 avril 2021 | Labels : Utech Records (États-Unis), God Unknown Records (Royaume-Uni), Sentencia Records (Espagne), Burning World Records (Pays-Bas), EveryDayHate (Pologne), Moving Furniture Records (Pays-Bas), Consouling Sounds (Belgique), Saw-Whet Distro (Canada) et bien sûr Dead Neanderthals (Pays-Bas)

De toute façon, Dead Neanderthals fera toujours mentir son côté mort. Pour preuve, Rat Licker. Il compte douze titres (joie !) encapsulés dans un 45 tours (joie toujours !). Il ne dure en tout et pour tout que 9 minutes (déception !). Le titre le plus long, Scalp Wounds le bien nommé, en monopolise deux ; il n’en reste donc plus que sept pour les onze autres. Et eux ne dépassent quasiment jamais la poignée de secondes. Pas de fioritures, de la sécheresse et un petit bréviaire de l’attaque virulente quand on dispose d’un saxophone (soprano, Otto Kokke aux invectives) et d’une batterie (Rene Aquarius au blast beat).
Rat Licker renvoie au tout début du duo et privilégie l’attaque éclair. Un titre, un uppercut. Un autre titre, un crochet du droit et ainsi de suite jusqu’à l’agonie de ce très grand tout petit EP. Ici, le jazz (très très free et très très exploratoire) se grime en grind et inversement, la batterie tabasse mais en finesse, la saxophone se lance dans des circonvolutions carnassières et la trajectoire strictement morbide (dont on sait bien qu’elle trouvera le mur) n’empêche nullement la variété.
Mais comme tout et très bref, il faut la saisir au vol et faire table rase chaque fois qu’un titre en chasse un autre. Les stridences déterminées et le tatapoum nucléaire (Napalm Death est tout à côté) de l’exceptionnel Bear Mace en ouverture n’ont par exemple rien à voir avec le bégaiement en suspension qui survient au mitan du non moins impressionnant Cop Meat (Ornette Coleman n’est vraiment pas loin non plus) qui le suit immédiatement : bref, si tu n’aimes pas le jazz, écoute Dead Neanderthals, c’est du grind mais si tu détestes le grind, écoute Dead Neanderthals, c’est du jazz et si tu n’aimes ni l’un ni l’autre, je ne sais pas trop pourquoi tu t’épuises à lire ces lignes mais écoute-les quand même.

Pour cette fois, j’aurais du mal à faire long parce que les douze titres n’acceptent ni la redondance ni les chemins détournés : Rat Licker est assez fidèle à son titre si on l’envisage au sens littéral (lécher un rat est sans doute une expérience saisissante mais on apprécie sa brièveté) mais comme il apparaît en pleine pandémie, on se doute que le duo lui préfère sa définition argotique (un.e rat-licker refuse bêtement de porter un masque) qui explique toute la férocité contenue ici. Cop Meat, Brain Damage, Hate Trip, Assault Rifle, Flamethrower ou encore Bite Marks et pour finir Medical Coma, Dead Neanderthals raconte un cauchemar qui ressemble quand même beaucoup à la réalité et s’il ne se paie pas de mots, peu importe, on sait très bien où il veut en venir.
La frustration, l’angoisse, l’incertitude, la colère, l’ennui, le ras-le-bol, l’enfermement sur soi-même et j’en passe contenus dans ces morceaux qui trouvent leur épiphanie dans les onze minuscules secondes de Hate Trip, une longue stridence sur un déchaînement monstrueux. On ne va pas bien et Dead Neanderthals non plus, Rat Licker est un témoignage qui concentre toutes les émotions qui, depuis plus d’un an, nous accompagnent et ne nous lâchent plus. Pour autant – et contrairement à cette chronique – ce n’est pas un cliché ni un amoncellement de vagues stéréotypes : le duo, plus que jamais, maîtrise sa matière et s’il semble revenir à ses premières amours, on sent aussi tout le poids de la trentaine de sorties qu’il accumule depuis 2010 : le grind est sec mais aussi plus ample, le jazz est distordu mais aussi très élégant, le chaos est spontané mais aussi très maîtrisé et derrière les atours furibards, au final, tout est très pur et très beau.

Medical Coma placé en toute fin lève enfin le pied, amalgame dans un même élan, une version explosée du thème des Dents De La Mer avec une proto-marche funèbre. Ça pourrait être ridicule et c’est tellement loin de l’être et c’est tellement bien vu. Le titre montre bien comment fonctionne Dead Neanderthals, sur quoi il s’appuie pour exprimer ce qu’il a en tête. C’est peut-être court mais la nuance et la complexité ne sont pas proscrites. Idem pour Restraining Order où on voit bien que les diatribes du saxophone (dont on comprend très bien qu’il veut nous convaincre) butent sur la répétition de la rythmique. On écrivait plus haut qu’un titre équivalait à un coup mais plus on avance et plus l’on se dit qu’il équivaut plutôt à une définition. Et on s’arrêtera là puisque tous les morceaux mériteraient une chronique et qu’on s’est promis de faire court.
Bref, avec Rat Licker, on reste captif des Dead Neanderthals qui l’air de rien, viennent de sortir leur album le plus politique, tutoient Naked City et préservent leur lignée d’enregistrements jusqu’ici strictement essentiels.

Une nouvelle fois, un très grand petit EP.

leoluce

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