Date de sortie : 14 octobre 2022 | Labels : Sister 9 Recordings, Little Cloud Records, Shyrec
Kill Your Boyfriend creuse son sillon mais ce faisant, creuse aussi à côté. Le duo italien n’arrête pas d’assoir sa formule tout en la poussant à muter. Son post-punk est certes atavique, toujours très sombre mais aussi de plus en plus urgent, de plus en plus arraché, virant à un genre de shoegaze sauvage très très dark aux relents industriels, déchiqueté par des giclées de fuzz assassines évoquant parfois un Jesus & Mary Chain psychotique. Comme un cent mètres au cœur des catacombes, une armée de goules et de squelettes sur les talons. Mais ça, c’est pour une poignée de titres répartis, en gros, sur la face A.
Il y a aussi la B et c’est encore autre chose. Deux morceaux seulement, plus longs et bien plus incantatoires, solennels et psychédéliques, limite dark ambient à certains moments. Ils pourraient s’avérer pénibles, cassant la cohérence patiemment mise sur pieds jusqu’ici mais non, on y croit comme on croit à ceux de la face A. C’est d’ailleurs assez étrange, ce côté Janus mis en avant. Comme si on changeait de groupe en changeant de face. Mais pas vraiment en fait.
Au fond, le paysage ténébreux et le voyage un poil morbide au gré des méandres du Styx restent les mêmes tout du long. Les intentions sont identiques donc, c’est simplement le rendu qui est différent. Preuve que Kill Your Boyfriend a (encore) étendu son envergure.
Néanmoins, n’attendez pas un surplus de chair. Ça reste tout de même assez pelé. Le son est chaotique, plutôt dégueulasse et regorge d’échos en tout genre. Bref, il est parfait. Et prend à la gorge dès The King : rythme tribal, voix théâtrale, basse arachnéenne, guitare flinguée, le tout rehaussé de quelques claviers sépulcraux. Le groove morbide mais urgent se maintient sur The Man In Black et Mr Mojo puis s’intensifie encore sur Buster – c’est jusqu’ici purement instinctif et vivant – avant de devenir salement déliquescent via The Day The Music Died (qui retrouve néanmoins les crocs sur sa fin). Comme si le disque abandonnait son enveloppe hirsute pour préparer à Papa Legba et Voodoo où tout est cette fois-ci complètement mort.
Un drôle de truc donc, faussement dichotomique et quand même très contrasté, en permanence hypnotique. C’est parfois outré (certaines inflexions de voix ou nappes de claviers qui débordent) mais c’est vraiment rare et le duo maîtrise parfaitement sa trajectoire, l’album montrant in fine une vraie unité.
Ce n’est donc pas encore avec Voodoo que Kill You Boyfriend frôlera l’anecdotique.
leoluce