Cheval De Frise – S/t

Date de sortie : 18 novembre 2022 | Label : Computer Students

Pourquoi donc une chronique supplémentaire concernant un disque déjà abondamment commenté ? Quel intérêt ? Mettre en lumière ? Non, le flux intense dont il est question ici a été capté il y a déjà vingt-deux ans (bientôt vingt-trois) et bien qu’il ne s’agisse nullement du dernier produit putassier marqueté pour plaire et être vendu au plus grand nombre, son aura l’a placé d’emblée tout en haut du panier. Inutile de le mettre en lumière donc, il l’a déjà très bien fait tout seul. Participer au concert de louanges pour être dans le coup ? Peut-être. Ou pas. Je n’en sais rien en fait. Le seul truc que je sais, c’est que chaque fois que mon regard croise la pochette aluminium dudit objet, mon cerveau prend le dessus et me répète à l’envie « faut que j’écrive un truc » . Alors allons-y pour que mon cerveau m’oublie.
Lorsqu’il sort sur Sonore (le label d’un batteur de Belly Button) au début du nouveau millénaire, je me le procure tout de suite et je n’ai jamais entendu ça. C’est excessif mais contenu. Hyper sauvage et hardcore mais sans l’ombre d’une guitare électrique avec son armée de pédales ou d’une basse ou tout autre attirail habituellement dédié aux musiques énervées. Cheval De Frise, c’est une guitare acoustique (et électrifiée c’est vrai), une batterie et c’est tout. Pas de chant non plus, tout ce que le duo bordelais a à dire est contenu entre les cordes et dans les peaux et les cymbales.

Il y a des notes partout, elles noient l’ossature mais jamais complètement, c’est hyper alambiqué (et réfléchi) mais très direct (et spontané) aussi. Les circonvolutions épousent le flux intérieur qui se reconfigure au diapason du disque : c’est tendu en permanence, très sauvage, ça écorche beaucoup mais ça balance aussi son lot de mélodies lumineuses au cœur du chaos et on décèle quelques moments suspendus où tout s’arrête. Il se passe mille choses en même temps, ça ressemble à du jazz mais ça n’en est pas, à de la noise sans l’être le moins du monde, ça se situe clairement ailleurs mais aussi tout à côté. Vives et intemporelles, les treize idoles hirsutes sculptées ici demeurent toujours aussi singulières. D’ailleurs, même s’il y a eu une suite, Thomas Bonvalet (à la guitare) et Vincent Beysellance (à la batterie) ne réitèreront jamais complètement ce qu’ils atteignent ici (Fresque Sur Les Parois Secrètes Du Crâne en 2003, tout aussi fort, passionnant et singulier, est néanmoins un poil plus abstrait et n’a plus l’évidence de ce galop d’essai).
Alors oui, c’est une réédition mais elle est l’œuvre de Computer Students et comme à l’habitude, l’objet est tout simplement à tomber. C’est beau, c’est serti de l’indéboulonnable enveloppe aluminium qui contient des choses merveilleuses : quatre faces en plastique bien noir dont trois seulement enferment le flux et les spasmes remasterisés par Carl Saff, un poster XXL, un autre plus petit et une pochette en grand pour la première fois. L’écrin est à la hauteur de ce qu’il renferme.
Je connais déjà mais je prends quand même et j’en parle parce qu’on ne parlera jamais assez de Cheval De Frise.

(leoluce)

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