Green/Blue – Paper Thin

Date de sortie : 10 juin 2022 | Label : Feel It Records

Voilà un disque qui aura pas mal rythmé mon été via sa précieuse capacité à tout refroidir. C’est le premier de Green/Blue pour Feel It Records et au gré de mes pérégrinations régulières dans les allées numériques de ce label que j’aime décidément beaucoup, j’étais immédiatement tombé amoureux de Paper Thin. Avant ça, le groupe avait sorti deux disques (l’un sur Slovenly Records, l’autre sur hoZac Records) déjà excellents mais c’est bien celui-là qui s’est irrémédiablement ruban-adhésivé à mes neurones. Sans doute parce que c’est le plus ouvertement triste.
Au menu, du post-punk spleenique, vif dans son ossature et vaporeux dans ses suppliques. On reconnait immédiatement tout l’art de Jim Blaha – seul préposé à l’écriture – pour construire des morceaux sans fioritures allant directement à l’essentiel. Pour autant, avec Paper Thin, Green/Blue s’affranchit de l’ombre fatalement tutélaire de (feu ?) Blind Shake pour explorer quelque chose de très personnel, qui se joue à deux (Annie Sparrows – des Soviettes ! – fournit l’autre hémisphère) et ose montrer ses hématomes.
Une collection de vignettes légèrement cotonneuses (essentiellement à cause du[des] chant[s]) qui pourraient paraître solaires sans leur vernis doux-amer, dix classiques instantanés qui frappent par leur évidence et s’inscrivent directement en lettres majuscules dans le cortex. La musique est majoritairement véloce mais les voix expulsées du bout des lèvres en infléchissent la dynamique et les morceaux flottent dans un entre-deux étrange, écartelés entre leur envie d’aller droit devant, souvent le plus vite possible et celle de prendre le temps d’installer des paysages froids et bien travaillés. Paper Thin est tout à la fois léger et plombé et comme il ne s’attarde pas (tous les titres autour des 2 minutes 30 pour 25 minuscules minutes au total), il a tendance à s’écouter en boucle.

Dès In Lies, c’est foutu, l’attachement est du genre sans réserve : des points d’orgue enlevés (Again, Away, In Time), d’autres points d’orgue qui lèvent le pied (Floating Eye, Blank Stairs), d’autres encore légèrement plus punk (l’imparable et génial éponyme) ou inquiets (Gold, Lost One) et jamais rien en-dessous du reste. Et partout, en permanence, dans le moindre interstice, ce spleen communicatif qui procure un effet bœuf.
Paper Thin c’est un bonbon au poivre renfermant un cœur d’azote liquide. C’est sucré mais ça pique et ça refroidit tout ce que ça touche. La basse tapisse en mode intrépide/moribond, la guitare élégamment coincée parle couramment la new wave et le garage, les percussions fournissent un beat increvable réduit à sa plus simple expression et les voix se mêlent et se démêlent en permanence : impossible d’échapper à Green/Blue et à Blaha/Sparrows (qui « played, sung, and produced » tout sur ce disque).
Depuis, le groupe a sorti un nouvel EP de deux titres, Woory/Gimme Hell, toujours sur Feel It Records, qui revient se caler dans l’ombre des deux premiers : c’est une nouvelle fois excellent mais on n’y retrouve pas vraiment la noirceur atavique de cet époustouflant Paper Thin. Néanmoins, rien à jeter, hein mais pour ma part, je préfère Green/Blue quand il met en avant son côté sombre et arachnéen.

(leoluce)

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