Landowner – Consultant

Consultant, nouvel album de Landowner, à l’instar de son prédécesseur, l’inusable Blatant, s’inscrit immédiatement sous la peau. Ses syncopes, son extrême sécheresse, ses idées en pagaille, son côté tout à la fois orthogonal et mal peigné reconfigurent le flux intérieur. Le plasma s’affole dans les capillaires, fait n’importe quoi et très vite, on suffoque. Même chose du côté de l’encéphale où les pensées finissent hachées menu et quittent promptement la place. Au bout du bout, rien d’autre ne subsiste que la musique retorse du quintette de Holyoke, Massachusetts qu’il qualifie lui-même de «punk», «post punk» et «weak d-beat». «Punk» et «post punk», oui, certainement, «d-beat» pourquoi pas mais «weak», pas du tout. C’est même tout le contraire.
Consultant ne s’arrête jamais, ne faiblit jamais et s’adoucit encore moins. Une fois lancé, impossible de s’extirper de ses lignes brisées. Les morceaux se succèdent pied au plancher, les deux guitares suivent des azimuts brefs, la basse bongue bongue et trépigne à l’économie, la batterie matraque sèchement et la voix tout en contrition expulse ses mots en mode rafale. Y règne une tension à peine croyable, étirée à l’extrême et menaçant de rompre à n’importe quel moment, ce qui n’arrive bien sûr jamais. Un drôle de truc dont Landowner semble être l’unique représentant. Ça va vite, très vite et ça n’est jamais violent. Ça rappelle de loin Joseph K (le spleen insulaire en moins) ou les early-Feelies mais en beaucoup plus exaspéré.
C’est une musique de bois sec, une musique très minérale aussi, qui s’embrase vite et s’éteint tout aussi rapidement mais brûle tout dans l’intervalle. Une musique surtout qui sait très bien transmettre sa fièvre maligne qui, depuis l’oreille, s’étend au corps tout entier. Parcouru de soubresauts électriques, celui-ci se retrouve à danser comme un abruti à l’unisson d’un disque – et par extension d’un groupe – sous haute tension. Bref, il ne fait aucun doute que Consultant et dans l’exacte lignée de Blatant et que Landowner ne s’arrêtera que lorsqu’il sera complètement consumé et qu’il n’en restera qu’un tapis de cendres irradiées. Dans le plus longtemps possible.

Pour l’heure, on reste sidéré par ce très sec et ténu Victim Of Redlining introductif, par l’évidence mélodique d’un Phantom Vibration deux fois plus long ou par l’encore plus long Mystery Solved, sept minutes et quelques de répétition forcenée et jusqu’au-boutiste durant lesquelles le morceau parvient à se déployer alors que tout est fait pour qu’il reste drastiquement bloqué sur ses premières notes. Il y a aussi l’étrangement technoïde Confrontation ou Stone Path plus loin qui brûlent d’un feu intérieur féroce. Et ce n’est là pour s’en tenir qu’à quelques titres car la tentation est grande de les décrire par le menu, les douze dans l’ordre, afin d’essayer de s’approcher au mieux de ce que le disque provoque. Mais c’est peine perdue. On a très envie de multiplier les mots devant Landowner mais très vite, on se rend compte qu’on n’a rien à en dire. Qu’on répète les mêmes phrases. Qu’on aboutit toujours à la même conclusion : écoutez ce disque. Écoutez ce groupe. Et basta.
À ce stade, la chronique est encore plus inutile qu’à l’habitude, du coup, je vais au moins essayer d’être complet : Landowner est la chose de son chanteur, Dan Shaw, unique compositeur. Au début tout seul (comme en atteste Impressive Almanac en 2016) puis bientôt rejoint par les guitares de Jeff Gilmartin et Eliott Hughes, la basse de Josh Owsley et la batterie de Josh Daniel. Dès le départ, tout était à sa place et en passant de un à cinq, rien n’a fondamentalement changé si ce n’est un surplus de précision dans une mécanique sans ça déjà parfaitement huilée. Tout ce qui sort des doigts de Landowner se retrouve publié par l’excellentissime Born Yesterday Records sur lequel on trouve également le Jesus White de Béret, aka Ian Kurtis Crist (si si) qui non content d’apparaître sur un titre de Consultant partageait également un groupe avec Dan Shaw, Health Problems. Une histoire de famille tout ça, qui explique sans doute le côté très intriqué de Landowner, très resserré sur des liens forts qui sont autant de lignes-forces dans cette musique indomptée.

Pas sûr que tout cela soit très utile et donc on s’arrêtera là. Pour résumer : écoutez ce disque. Écoutez ce groupe.
Et basta.

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