Date de sortie : 15 juillet 2023 | Label : Jelodanti Records
Miss Marvel ? Je ne sais pas trop à qui se réfère le nom que le groupe s’est choisi : Carol Danvers ? Sharon Ventura ? Malicia ? En tout cas, une super-héroïne multiple, complexe et obscure (enfin jusqu’aux ’90s, je ne parle pas de sa version télévisée actuelle mais plutôt de ses premières versions papier). Ce dernier adjectif correspond d’ailleurs très bien à cet éponyme enregistré il y a trente ans et resté dans l’ombre jusqu’ici. Miss Marvel, c’est donc aussi le nom d’un trio réunissant Amaury Cambuzat (guitare électrique, voix et jouets), Olivier Manchion (basse et jouets) et Franq De Quengo (batterie et jouets).
On a déjà dit par là-bas – sans être exhaustif parce que c’est difficile de l’être avec de tels pedigrees – qui était qui, qui faisait quoi et qui fait quoi maintenant mais de 1991 à 1992, Miss Marvel faisait ce que donne à entendre le vinyle noir contenu dans ce bel objet (eh oui, ça sort chez Jelodanti) : de la noise exploratoire empreint d’une bonne dose de sauvagerie. On y trouve effectivement beaucoup de guitare, beaucoup de basse, beaucoup de batterie et des jouets (que l’on entend distinctement dans les géniaux Hard-Boiled 1 & 2 par exemple, peut-être une référence au comics de Miller/Darrow du même nom). Jamais dans la même configuration, variant systématiquement les attaques et les rimes, les rythmes et les intentions. Parfois ça avance droit devant et à d’autres moments, ça louvoie ou ça bloque sur une répétition rigide et l’ensemble se révèle vraiment prenant.
D’emblée, Al Capone accapare : le son est tout à la fois crade et distinct, pur, et le riff introductif laboure les synapses. Ce court instrumental pose les bases. Junkfood y rajoute une voix puis se coupe en deux, abandonnant subitement sa structure pour se lancer dans une exploration plombée. Deux morceaux à peine et déjà plusieurs visages.
La suite est à l’avenant et, tout en gardant les bases solides que lui confère sa configuration en triangle, Miss Marvel s’y révèle métamorphe. Les morceaux touchent autant à la noise qu’au presque-sludge, au metal qu’au psyché, expérimentent à tout-va et explosent en gerbes acides, inquiètes et motorik. Assez concis tout du long, le trio multiplie néanmoins les minutes sur l’éponyme et finit par buter sur de très expérimentaux points de suspension, comme si l’histoire n’était pas achevée.
Ce qu’elle n’était pas de fait puisque les neufs occurrences se retrouvent aujourd’hui couchées sur un beau vinyle noir cerné de deux cent cinquante pochettes différentes, toutes réalisées à la main : le jusqu’au-boutisme de Miss Marvel rejoint celui de Jelodanti Records et la conjonction des deux donne un petit supplément d’âme à une musique qui, sans ça, n’en manquait déjà pas (et c’est bien ce qui rend chaque sortie du label si spéciale). Car rien ne sonne daté dans ce disque, comme si le temps n’avait aucune prise sur l’intransigeance.
Pour le reste, suivez simplement les recommandations : « To be played at maximum volume » .
leoluce