Date de sortie : 09 mai 2025 | Label : Debemur Morti Productions
Cette fois-ci, ça sera encore plus noir. Voire au-delà du noir. Dans une zone où ne résonnent que les cris et les mots de Marion Leclercq. Des mots infiniment personnels, en provenance directe de la boule noire et irradiante qu’elle accueille dans son ventre. Et qu’inlassablement elle interroge. Sans doute pour la mettre à distance.
On se tient dans cette distance. On est là, en face, percuté par le flux chaotique, parcouru d’ondes contraires, d’émotions mêlées, de dictats impérieux. Une masse. Douloureuse et peut-être cathartique (j’espère qu’elle l’est). Saisissante en tout cas, comme à chaque fois depuis l’inaugural Orphans Of The Black Sun.
Ce qui frappe, c’est qu’en malaxant la même matière et les mêmes obsessions, Mütterlein est encore ailleurs. Amidst The Flames, May Our Organs Resound est sans doute son disque le plus industriel. Les nappes pulsatiles bourdonnent, les beat stroboscopiques s’effondrent sur eux-mêmes, la rage habite les cris et on se retrouve comme dans une nasse plongée dans une eau froide dont on ne voit jamais le fond.
Plus que jamais, écouter Mütterlein est une expérience. D’emblée, ça happe. Hypnotique, très écorchée, la musique enveloppe et on n’a pas vraiment envie de l’analyser. Après quelques écoutes, une fois acclimaté, on cerne quelques traits, pas beaucoup plus qu’un vague crayonné, et on cherche les contours. Ce troisième album représente un peu l’amalgame des précédents : la new wave verticale et solennelle du premier et les vibrations blackened-rauques du suivant.
La rage intacte, la voix toujours singulière, le côté sur le fil, toujours au bord de la rupture, le tout encapsulé cette fois-ci dans un velours technoïde à la noirceur manifeste. Néanmoins, Amidst The Flames, May Our Organs Resound distille aussi de temps en temps quelques rais lumineux et quelques respirations salutaires qui trouent la chape de plomb. Pas grand chose, quelques nappes moins anxieuses, des silences, des chœurs spectraux et des textures dark ambient fantomatiques (notamment sur Memorial One & Two via les interventions de Treha Sektori) qui, par contraste, rendent l’alentour encore plus sombre. Sans elles, tout serait drastiquement inhospitalier et avec, au contraire, tout est exacerbé, hypnotique et magnétique.
De plus en plus jusqu’au-boutiste, de plus en plus singulière et affirmée, la musique d’Amidst The Flames, May Our Organs Resound résonne familière et reste sidérante. Quoi que fasse Mütterlein, sa rage, ses douleurs, ses atours hirsutes, sa douceur aussi, restent au diapason des nôtres et on a souvent l’impression de faire corps avec tout ce qui sort de sa tête et de ses doigts. Si bien qu’à la fin, il ne fait aucun doute qu’il s’agit une nouvelle fois de son meilleur album.
leoluce