Mütterlein – Orphans Of The Black Sun

Orphans Of The Black Sun est le premier album de Mütterlein. D’emblée, comme ça, au regard du patronyme (emprunté à Nico et son fabuleux Desertshore), de la saisissante pochette et du vénérable logo qui se trouve dessus (Sundust Records, le tout jeune label monté par Vindsval de Blut Aus Nord et Phil de Debemur Morti Productions), on s’attend à quelque chose de sombre, de martial, aux connotations éventuellement black. On n’a pas tout à fait tort mais on n’a pas du tout raison non plus. Sombre, indéniablement, Mütterlein l’est. Martial, pas complètement et black, pas du tout. Le duo n’a rien à voir avec le metal et envoie valdinguer bien loin guitares plombées, batteries hachées menu et basses maousses au profit d’un amoncellement de claviers sur lequel plane la voix déchirée et expressive de Marion Leclercq (d’Overmars). De cette formule somme toute assez simple (une voix, des arrangements), Mütterlein tire pourtant une substance particulièrement magnétique et envoûtante. De l’emphase (dans le bon sens du terme), du souffle, des atmosphères prenantes : les morceaux positionnent en permanence leur curseur sur la zone proximale qui les empêche de tomber dans le trop plein. Dès lors, l’ensemble sonne imposant et luxuriant alors même qu’il est bâti sur un parterre pelé. Majoritairement congelé, il rappelle les premiers Dead Can Dance tout en incorporant des éléments plus contemporains que l’on pourrait aller chercher du côté des dernières incarnations des Swans. C’est d’ailleurs assez étonnant, cette grosse vibration cold wave associée à des accents plus ritualistes (à en croire les tags de la page bandcamp, il s’agirait de witch wave sans qu’on y trouve quoi que ce soit à redire), parant les morceaux décharnés d’un voile énigmatique mais néanmoins velouté. Non seulement, il fait froid et sec mais en plus, l’obscurité est de mise.

Quelque part, ces six titres inventent leur propre folklore et semblent parvenir de temps anciens et oubliés. Partagé entre imprécation, mantra, psalmodie, scansion possédée, le chant apporte son lot de nuances, souvent esseulé mais parfois accompagné de chœurs incarnés rendant l’ensemble encore plus solennel. On a l’impression d’interrompre un rituel dédié à un culte païen, de surprendre une prière intime ou un monologue rageur. Lesbian Whores And Witches, en ouverture, accapare de suite. Son orgue majestueux se drape d’une belle emphase systématiquement déchirée par le tranchant de la voix. Quelques percussions martiales et une guitare post-punk aux entournures viennent habiller l’écorché sur la toute fin, le rendant plus sidérant encore. D’autres morceaux suivent cette voie théâtrale et possédée – Blackdog ou encore Heirs Of Doom. Bâtis sur un tempo lent, ils déroulent un psychédélisme noir très immersif qui agrippe les neurones pour ne plus jamais les lâcher. On trouve également des morceaux plus courts, plus urgents, où le sabbat revêt des frusques un peu plus binaires, comme le fabuleux My War par exemple, aux claviers concentriques surplombés d’un chant rageur ou encore My Ghost Army plus loin, peut-être le morceau le plus prototypiquement « rock » d’Orphans Of The Black Sun. C’est que Mütterlein doit aussi beaucoup aux arrangements de Christophe Chavanon (du studio Kerwax où ont été capturés pas mal de disques qui hantent mes étagères et  les vôtres probablement aussi). Tout aussi variés que le chant, ils concourent grandement à la mystique froide du disque et on sent bien que le duo sait ce qu’il fait : des poussières de batterie, d’autres de guitare, des claviers partout, des nappes anxieuses, de l’enluminure triste et glacée, des chœurs spectraux, de l’amalgame fantomatique, des idées en veux-tu en voilà.

Ce post-punk hanté et rituel se développe surtout à l’ombre de morceaux superbement écrits. Les émotions y sont non feintes et la densité bien réelle quand il était si facile de tout surjouer. Dès lors, c’est bien à une expérience que le disque nous convie. On lui sait gré de nous convier au sabbat qu’il laisse entendre sans nous reléguer au rôle de simple spectateur. Orphans Of The Black Sun étant bien sûr avant tout ce qu’il est mais aussi un petit peu ce que vous en faites. En tout cas, pour une première, Sundust Records ne pouvait rêver mieux.

Magistral.

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