Paskine – Nimrod

 Depuis août 2012, Paskine a bien changé. A l’époque, on s’enthousiasmait pour sa première sortie UNTTLD, sur Abstrakt Reflections. Son caractère prometteur n’a pas menti, car presque deux ans plus tard le jeune français présente son véritable premier album, Nimrod – se rebeller, en hébreu – sorti sur le label Voxxov Records. Le moins qu’on puisse dire est que ça valait le coup d’attendre. Et que l’artwork, réalisé par lui-même, est à tomber par terre.
Paskine affirme d’emblée, dès les premières minutes, qu’il ne sera pas question de flatter l’oreille paresseuse ni d’entretenir l’auditeur dans le sens du poil. On peut supposer qu’une volonté d’abstraction poussée fut à l’œuvre dans l’élaboration de l’album. A l’instar du voyageur qui prend le Nord pour horizon, voyant s’effacer peu à peu l’urbain et la civilisation, l’artiste a gommé toute empreinte rassurante. Plus de rythmique ni d’arpèges en ces lieux, les bouffées acres de gaz en combustion ont colonisé l’azur. Mais les aspérités n’en sont pas pour autant sacrifiées. Les textures profitent pleinement de cet espace, tel un biotope immatériel et fourmillant, libérant un panel de respirations rauques, de cliquetis de matière hybride, de grêlons qui tombent en pluie et de cordes d’origine non identifiée.
Au cœur de ce magma tempétueux et délicat, la mélodie n’a pas déserté. Paskine use de procédés particulièrement subtils pour la faire éclore, croitre et porter aux nues les airs entêtants, quasi-opiacés, qui naissent aux creux des cryptes. Toujours au cœur de son travail, l’idée de répétition trouve ici un terrain d’expression à sa mesure. C’est par itération que se fait l’enchainement des harmonies et, de cette récurrence, nait un effet intense et légèrement obsédant. Des titres comme White Elephant ou le brillant Phantom Limbs illustrent ce principe. Mais malgré l’excellence et la cohésion de l’ensemble, on revient beaucoup au dernier titre, Disclosure, qui sonne comme le prolongement muri de Quanoun Time – titre phare de UNTTLD – au point de représenter, une fois associés, un intime diptyque. Preuve que les reflux et les boucles qui labourent les sens représentent une constante chez lui. Disclosure plonge ainsi dans des états fiévreusement extatiques, sécrétant l’impression étrange d’un déjà-vu fantôme, comme si les tremblements somptueux de la mélodie venaient réveiller une émotion interne et voilée, qui se révèlerait à son impact, sorte de souvenir d’un instant qui n’a pas existé.
Ce qui est bien fondé, cependant, c’est l’urgence impérieuse que l’artiste dont parlent ces lignes soit reconnu à sa valeur légitime et rejoigne le petit groupe des musiciens français s’accoquinant avec la musique expérimentale, comme Saåad ou Witxes, à qui la nébuleuse nationale de la critique musicale accorde un intérêt  justifié.
Manolito
 

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