Seine – 22

O.K., O.K., rien de bien nouveau sous le soleil de plomb d’un été caniculaire annonçant les fournaises à venir. Rien de bien nouveau mais voilà, le disque fait mouche. Pourquoi et comment ? Difficile à dire mais depuis qu’il a croisé l’empan de la platine, il y revient régulièrement et rythme les bons moments comme les mauvais.
Il s’incruste du haut de son trois fois rien, distille sa voix androgyne et ses morceaux écorchés, un peu étranges, tangentiellement noise, teintés d’éléments acoustiques et électro. 22 est donc le deuxième album de Seine après Sno Sna en 2017. Alors porté par le seul Ivan Ščapec, il faut aujourd’hui compter avec Dimitrij Petrović (ces deux-là se connaissent bien depuis Vlasta Popić) et si la musique du désormais duo demeure minimaliste, elle s’est aussi étoffée. Plus dense, plus fracturée, elle ne laisse que sept empreintes qui tracent néanmoins les contours d’un disque bien plus varié qu’il ne paraît.
Aussi à l’aise dans la ballade concise (Pitaju) que dans l’épopée au long cours (Borovnica), Seine va pourtant droit à l’essentiel, ne s’embarrasse d’aucune fioriture et ne concède que très peu de bifurcations. S’il multiplie les minutes, c’est parce que le texte l’exige et même si on n’y pige pas grand chose (à moins de maîtriser le Croate), tout ce qui l’entoure – des beats minimaux à la basse profonde, des quelques samples à l’apex fracturé de la guitare – permet de toute façon d’en saisir l’essentiel. C’est un peu désabusé, légèrement ironique, toujours sec et élégant et il se passe en permanence quelque chose même si la simplicité domine tout du long.



Une salve de morceaux courts en ouverture avant d’allonger le temps. Une façon de s’acclimater avant d’explorer des chemins un brin plus tortueux. En premier lieu, on repère la voix singulière, son timbre étonnamment féminin malaxé entre plainte et déclamation s’appuyant sur un parterre tendu en permanence. C’est bien cette forme d’urgence inquiète qui frappe ensuite.
Le Nebo d’ouverture alterne ainsi entre îlots de tranquillité et déferlements guitaristiques et représente plutôt bien le nouveau paradigme de Seine : en devenant duo, son propos s’est raffermi, a gagné en nervosité et abrasion. Quelques morceaux introvertis subsistent (Pitaju, Treba) mais dans l’ensemble, les Croates ont les crocs : Novče, Paresu ou Borovnica révèlent un vrai potentiel pour l’arrachage élégant mais déterminé.
Passant d’à-pics en mornes plaines, souvent de façon inattendue, 22 a finalement plus à voir avec la ligne brisée qu’autre chose et c’est bien pour cela qu’on y revient souvent.
Écorché authentique et tout en nerfs aux arrangements malins – ici et là, quelques claviers, des moments exclusivement acoustiques, l’intervention des samples et le vernis électro. – le disque est tout à la fois spontané et réfléchi et s’immisce facilement dans la bande-son du quotidien.
Rien de nouveau peut-être mais un truc qui fait corps et fait du bien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *