Veuve S.S. – Traître À Tout

On est bien évidemment très en retard sur celui-là, d’autant plus qu’il est épuisé depuis longtemps (mais on en trouve encore quelques exemplaires en cherchant un peu, par là par exemple). Jusqu’ici, Veuve S.S. n’avait sorti que des E.P. (dont un qu’on avait chroniqué par ici) et c’est quand le groupe semble avoir décidé de disparaître qu’il balance son premier long format, Traître À Tout. Ce que l’on ne peut que regretter au regard de ce que l’on connait déjà et de ce que l’entend aujourd’hui. En gros, rien n’a changé depuis ses missives inaugurales, la violence est toujours à sa place, les idées glauques aussi et le punk continue à inonder les ravines hardcore, le flot fracassé débordant de partout. Basse bourdonnante, batterie impitoyable et guitare barbelée se chargent d’écorcher vif et de désosser le squelette, la voix vicelarde de dégueuler son dégoût sur le peu qui tient encore debout. À volume raisonnable, il ne reste plus grand chose une fois arrivé au bout mais pour peu que l’on pousse un chouia les enceintes, il ne reste plus rien. «Dans la peau/Un trou béant» exactement. Et puis, il n’y a pas que la rage et la violence, Veuve S.S. suit systématiquement un itinéraire disloqué qui n’arrête pas de bifurquer selon une dynamique elle aussi imprévisible. C’est lent, c’est là et puis d’un coup, ça va très vite et encore plus vite là-bas avant de stopper net et de balancer des samples exténués hachés menu par les lames de la guitare, la basse tabasse, fracasse et la batterie enclume comme mille marteaux sur un minuscule clou rouillé. Au bout d’un moment, on l’impression que tous les morceaux fondent les uns dans les autres pour n’en former qu’un seul, tout à la fois dégueulasse, grouillant et sans issue.

La rythmique est particulièrement bien achalandée, très malléable, elle constitue un parterre suffisamment plastique pour être tordu dans tous les sens et suivre les méandres fracturés de la guitare. Il y a déjà pas mal à faire lorsque l’on suit la musique mais voilà, Veuve S.S. a des choses à expulser, l’a toujours très bien fait et continue à très bien le faire (et fait apparaître les paroles sur l’insert et sur sa page bandcamp également). On aurait pu s’attendre à un nihilisme éventé ayant déjà livré le gros de ses idées crades au gré des précédents E.P. mais pas du tout. Ce que l’entité a dans le ventre semble être un puits sans fond et elle a encore des tonnes de glauquitude à exprimer : «Tes mots puent la mort». On se retrouve donc avec quelque chose de joliment malfaisant dans toutes ses dimensions : aux crêtes fracturées d’une guitare toujours incisive s’opposent des soubassements boueux, quelques sons électroniques finissent de saloper l’ensemble et on comprend très vite qu’en passant du format court au long, Veuve S.S. n’a rien perdu de sa capacité à flinguer nos journées. C’était déjà bien construit sur une poignée de titres et ça l’est encore quand ils sont bien plus nombreux : Traître À Tout est bien loin d’être sans finesse et ménage des enclaves de calme relatif (Gavé ou Cheap plus loin, quelques entames de morceau ou leur toute fin) qui rythment parfaitement le disque et décuplent l’impact des moments où seule subsiste la guerre. Derrière l’artwork extrêmement léché se tient une musique elle même très ciselée (et très bien enregistrée). Traître À Tout mais certainement pas à lui même, le groupe délivre une flèche particulièrement féroce dont la course ne faiblit jamais, y compris quelques mois après l’avoir reçue en plein thorax.

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