Wet Dip – Smell Of Money

Date de sortie : 10 novembre 2023 | Labels : Feel It Records

Smell Of Money ne va pas révolutionner quoi que ce soit, Wet Dip (d’Austin, Texas) ne fera pas non plus une entrée fracassante dans la mare aux canards encombrée et même, on pourrait être tenté de les ranger bien rapidement (et très paresseusement) dans les méandres de l’oubli. Il en va ainsi de cette époque flinguée où ne subsiste que l’urgence. Écoute, tapote du pied, hoche la tête et passe à autre chose. Mais bon voilà, Smell Of Money et Wet Dip ont quelques arguments qui grippent la machine bien huilée et retiennent vraiment l’attention.
D’abord le chant pressé, mélangeant allègrement Anglais et Espagnol et racontant des choses intéressantes sur l’anxiété, le ciel de traîne, la sororité, les abus patriarcaux et sexuels, le fric et tous ces trucs qui définissent plus ou moins cette foutue période. Ensuite, la guitare est à peine apprivoisée et débite une dentelle no wave en charpie assez inattendue. Mais ce n’est pas elle qui trace la voie, ce sont plutôt la basse et la batterie. Complètement sèches, très minimalistes, elles structurent des ossatures pressées et urgentes plutôt prenantes.
Rien ne s’attarde jamais et les morceaux, bloqués entre deux et trois minutes, filent vite tout en se montrant suffisamment accrocheurs pour que l’album laisse indubitablement une vraie (et étrange) trace.

Il faut dire que Wet Dip est un trio (Erica Rodriguez à la batterie, sa sœur Sylvia au chant, à la guitare ou à la basse, Daniel Doyle à la basse ou à la guitare) et son goût prononcé pour la sécheresse lui vient certainement de sa configuration resserrée. On ressent très bien ce côté angulaire et sans fioriture sur la reprise – méconnaissable – du Silver des Pixies ou celle – à l’os mais plutôt fidèle – du Pelo Suelto popularisé par Gloria Trevi mais pour tout dire, il est inutile de s’attacher aux morceaux écrits par d’autres quand les leurs suffisent amplement à cerner l’animal.
Rollercoaster, le plus long, en ouverture annonce la teneur de Smell Of Money. Basse caoutchouteuse, batterie increvable et guitare désarticulée supportent une voix distante, exactement ce que l’on entend sur tous les autres. Ce n’est jamais charmant et encore moins adorable, c’est même souvent assez rude. On décèle beaucoup de sorties de route inattendues (Black Friday ou Train Wreck), des moments très échantillonnés où la musique donne l’impression d’être plongée dans un vortex centrifuge qui rejette tous les atomes à l’extérieur (Emperor ou le très flingué Finale) et des passages vraiment hallucinés (le très exploratoire Stray ou l’excellent Kill Floor et son « What’s the smell of money? Smells like shit ! » ). Et pourtant, de manière assez inexplicable, ça accroche et c’est surtout, on le voit, franchement singulier.

Voilà pour un disque qui mérite donc amplement l’écoute – écoute, tapote du pied, hoche la tête mais ne passe pas tout de suite à autre chose et laisse lui une chance de s’insinuer – et pour un groupe que l’on prendra plaisir à suivre désormais.

leoluce

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