Autisti – s/t

C’est le printemps, les rayons du soleil percutent timidement les murs blancs et tout s’éclaircit. C’est le moment idoine pour parler du premier album d’Autisti qui, justement, sort ces jours-ci. Un album qui ressuscite un temps reculé où de l’autre côté de l’Atlantique, un paquet de groupes qui avaient plus ou moins notre âge mélangeaient dans le même élan punk rock, folk, sauvagerie hardcore, refrains pop portés par de lumineuses mélodies, mélancolie revêche et hargne séminale et inventaient une esthétique nouvelle. On ne savait pas trop comment ça s’appelait alors (et on n’est toujours pas sûr de bien savoir) mais on passait beaucoup de temps à explorer leurs disques : Bug, Sister, May I Sing With Me, The Real Ramona, Every Good Boy Deserves Fudge, On The Mouth, Bakesale, etc. car la liste ne saurait de toute façon être exhaustive. Ça allait de pair avec notre vie d’alors qui mêlait l’inquiétude à l’insouciance, les idéaux au manque d’idéaux, l’amour naissant et les grandes déclarations à la con, la certitude de mornes lendemains mais de surlendemains sans doute moins austères, la rage et la colère sans finalement trop savoir contre qui et encore moins contre quoi. Bref, les ’90s. Autisti vient de ce fuseau horaire là et retranscrit dans sa musique un peu tout ça. En revanche, le groupe arrive de Suisse mais pour le reste, on s’y croirait vraiment. Pour autant, il ne s’agit nullement d’un succédané sans pertinence ou d’un vague ersatz ne fonctionnant que sur la nostalgie. Il y a de la densité là-derrière et le moins que l’on puisse dire, c’est que les morceaux sont infiniment bien écrits. Ils ont beau sonner crades et approximatifs, ils n’en restent pas moins jubilatoires et passionnants et le disque, porté par une flopée de tubes, file à la vitesse de l’éclair et appelle les écoutes répétées. Aucune pose, encore moins de calcul, juste l’envie de sortir de ses doigts et de sa bouche la musique que l’on sait coincée au fond de soi et qui ne demande qu’à trouver en nous un écho favorable.

Ce qui devrait fatalement se passer eu égard à ce qu’elle contient : des morceaux tout à la fois plombés et aériens où les mélodies solaires prennent appui sur un parterre on ne peut plus carnassier. Ils sont donc tout le temps accortes mais explosent tout aussi souvent. Un paradigme posé dès l’entame avec The Dower qui commence tranquillement/on s’accorde avant de sortir ses griffes et d’envoyer danser derrière les yeux ses réminiscences d’un lointain Sebadoh qui aurait pas mal misé sur les chœurs. Pour le suivant, on est déjà ailleurs, le course jusqu’ici altière ralentit et se montre un poil plus fatiguée, ce qui permet la mise en avant d’une voix qui ne crache pas sur les aigus et menace de rompre sans jamais le faire. Comme sur L’Altro Mondo ou You Felons! plus loin pour lesquels elle finit pas raboter les tympans à l’unisson de morceaux littéralement abrasifs. Mais Autisti, ce n’est pas que ça, le groupe peut aussi se montrer plus calme (mais pas moins inquiet) comme en attestent Curb ou encore Trundle Beds, l’orgue en bandoulière, montrant la grande mélancolie de l’ensemble. Dans ce moments-là, le trio aussi vise juste. On voit donc bien que tout cela se montre très varié et malgré l’aspect monolithique dû à une production parfaite qui fait invariablement bien sonner l’ensemble (enregistré sur un quatre pistes cassette), on passe de pic en abysse en un clin d’œil et on ne s’ennuie donc jamais. Un pied dans l’indie-rock, l’autre se baladant sur un large segment reliant la folk au grunge, Autisti dessine du bout des orteils un triangle fatal et magnétique dont on ne peut s’échapper. Réunissant Louis Jucker (une guitare, une voix), Emilie Zoé (l’autre guitare, l’autre voix et l’orgue aussi) et Steven Doutaz (batterie), le groupe donne l’impression d’avoir sorti le disque-somme réunissant des facettes explorées auparavant alors qu’il ne s’agit-là que du premier. Un tour de force exécuté sans effort apparent tant on retient la simplicité comme maître mot d’Autisti. Une simplicité qui fait mouche et permet au disque de s’insinuer pour longtemps dans la boite crânienne.

Il faut dire aussi que les protagonistes n’en sont pas à leur galop d’essai et se sont parfaitement bien trouvés, Emilie Zoé sous son propre nom et Louis Jucker chez Coilguns – entre autres puisque cet album d’Autisti intègre le projet L’Altro Mondo, série de cinq disques réalisés par Jucker en compagnie de musiciens rencontrés au fil de ses pérégrinations et que vous pourrez trouver sous la forme d’un chouette Deluxe Hand-Made Booklet chez Hummus Records. Quoi qu’il en soit, le trio joue resserré et exploite joliment toutes ses possibilités, on sait donc gré à S.K. Records de nous faire parvenir ce magnifique éponyme à l’unité.

Formidable.

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