Forêt – Ma Walki

Si tu aimes la guitare électrique, écoute Ma Walki. Si tu détestes la guitare électrique, écoute Ma Walki. Si tu aimes les longues balades en Forêt, écoute Ma Walki. Si tu préfères rester confiné.e entre les murs rassurants de ta chambre, de ton appartement ou de ta maison, écoute Ma Walki. Si tu aimes t’ouvrir au monde, parler aux inconnu.e.s, écoute Ma Walki. Si tu as beaucoup d’amis, fais leur écouter Ma Walki. Si l’enfer, c’est les autres, écoute Ma Walki. Si tu aimes te poser mille questions quand les notes d’un morceau percutent ton encéphale, écoute Ma Walki. Si tu préfères l’errance et laisser tes idées devenir parallèles à ce que tu entends, écoute Ma Walki. Si pour toi, la musique se résume à ce qui sort de ton poste de radio irrémédiablement bloqué sur la même station commerciale, écoute Ma Walki. Si tu t’en fous complètement, écoute Ma Walki. Si tu recherches en permanence (et un peu vainement) la bande son qui accompagnerait idéalement les circonvolutions de ton quotidien, écoute Ma Walki. Si tu es heureux.se, écoute Ma Walki. Si tu es triste, écoute Ma Walki. Si tu es en colère, écoute Ma Walki. Si tu es amoureux.se, écoute Ma Walki. Si tu es tout.e seul.e, écoute Ma Walki. Si ton chien est mort, écoute Ma Walki. Si ton chat fait ses griffes sur le tissu des enceintes, écoute Ma Walki. Si tu préfères les poissons rouges, écoute Ma Walki. Si tu veux entendre un instrument te raconter ce qu’il a au fond des cordes, écoute Ma Walki. Si tu vois les notes s’inscrire sur la partition qui existe dans ta tête, écoute Ma Walki. Si tu aimes ton café noir et serré, écoute Ma Walki. Si tu le préfères allongé de deux ou trois gélules, écoute Ma Walki. Si tu détestes les adjuvants quels qu’ils soient, écoute Ma Walki. Si tout ça te laisse indifférent.e parce que tu ne bois que du thé, écoute Ma Walki. Si tu viens de finir ta dernière bière, écoute Ma Walki. Si tu n’as rien à faire, écoute Ma Walki. Si ta journée est déjà bien remplie, écoute Ma Walki. Si tu fais partie des deux ou trois lecteur.rice.s régulier.ère.s de ce site ou que tu t’y es simplement égaré, merci à toi et fais-nous confiance : écoute Ma Walki. Si tu es arrivé.e jusqu’ici mais que tu n’a pas envie de te fader le reste, passons directement à la conclusion : écoute Ma Walki.

Pour celles et ceux que ça intéresse, quelques compléments d’information : Ma Walki est le deuxième album de Forêt, entité qui ne réunit qu’une seule personne et son instrument : Nicolas Lafourest. On a déjà croisé sa guitare entre autres chez les turbulents et trop rares Cannibales & Vahinés et les plus intimistes mais tout aussi rares The And. Deux formations essentielles auxquelles on voue un culte immodéré (comme tous les cultes) et dont la musique parcourue de méandres clairs-obscurs classieux et singuliers n’a jamais lassé. Forêt leur ressemble comme il s’en détache fortement. On retrouve sur Ma Walki la même beauté simple, fondamentale, qui fait dresser les poils partout sur l’épiderme. Le même goût pour le cru et le revêche également. Aucune fioriture pour venir arrondir les angles ou pour faire écran. Ici, on va droit à l’essentiel et ce qui sort de la tête se retrouve immédiatement au bout des doigts. Du coup, on a souvent l’impression que la musique – comme lorsqu’on écoute Cannibales & Vahinés ou The And – tape toujours dans le mille, correspondant pile à ce que l’on ressent au moment où elle croise notre empan. C’est donc une alchimie très particulière qui nous lie à elle. Son élégante mélancolie, son blues très personnel, son intensité brute, sa sécheresse qui fait naître beaucoup d’images derrière les yeux expliquent des morceaux qui nous accompagnerons longtemps. La grande différence, c’est que Forêt est tout seul. Pourtant, privé de la voix de G.W. Sok, il raconte beaucoup : sur lui, sur les autres, sur ce qui l’entoure et ce qu’il vit. Tout ce qu’il ne dit pas, sa guitare électrique le dit pour lui. On reste en permanence agrafé aux circonvolutions de cette dernière, à son jeu en slide très expressif, à ses lignes de crête tranchantes ou apaisées, à son relief accidenté qui préserve pourtant la grande harmonie de l’ensemble : cru, pelé, revêche, nerveux c’est vrai mais tout le temps magnétique. C’est que Forêt ne joue jamais à l’économie et semble être tout entier contenu dans ses morceaux. Du coup, difficile d’en extirper un plutôt qu’un autre, tous se valent et agrippent à leur façon : Toddler qui ouvre le disque et annonce la couleur, le mouvant Landmark qui le suit immédiatement, les mouvements suspendus de Take Low ou encore le simplement sublime Smother, une poignée de titres dont la seule écoute ramène au premier paragraphe : écoute Ma Walki.

Grand.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *