USA/MEXICO – 202project – Central Massif – Atomçk – The Terminals – SuperChouette

Le temps manque, la motivation un peu aussi parce qu’on se demande souvent à quoi ça sert tout ça. Mais bon, on se fait violence et on regroupe – une fois n’est pas coutume – les (mini)chroniques par paquets de six. Inutile de dire qu’entre les disques ci-dessous, il n’y a aucun point commun. Ça part dans tous les sens, géographiquement et stylistiquement parlant mais qu’importe, l’envie d’en parler était bien présente, depuis plus ou moins longtemps, et a permis de retrouver le chemin du clavier.

USA/MEXICOLaredo

– Riot Season, juin 2017 –

On commence par une saine dose de noise extrêmement déviante en provenance de Riot Season. Craig Clouse (guitare plombée), Nate Cross (basse mastodonte) et King Coffey (batteur de qui vous savez) unissent leurs aspirations belliqueuses et construisent un Laredo à même d’atomiser n’importe quel mur à la con de l’ère Trumpienne. Alors ça ne va pas très vite, hein, mais qu’est-ce que c’est lourd. Et qu’est-ce que c’est déglingué. On dirait que les morceaux sont restés un long moment sous un soleil implacable alors qu’au départ, déjà, ils ne marchaient pas bien droit. Le résultat sonne complètement délavé, exténué, pulvérisé et on a bien du mal à distinguer quoi que ce soit dans la masse sonore qui se déverse à grand fracas de ce qu’il reste des enceintes. En outre, c’est ultra répétitif (à l’image du titre éponyme) et souvent hanté par une voix d’outre-tombe, elle aussi très altérée. C’est parfaitement de guingois et détraqué mais aussi étrangement hypnotique et l’on se retrouve régulièrement piégé dans le maelström furibard sans pouvoir en sortir. D’autant plus que le disque se termine par deux pièces légèrement plus lisibles, L.A. et Bullets For Pussy, où l’on reconnaît pour la première fois un ersatz de quelque chose que l’on pourrait appeler, avec toutes les précautions d’usage, une mélodie. Ça ne ressemble pas à grand chose de connu mais c’est surtout complètement sidérant et terriblement addictif.

 

202project – Retour À L’Age De Pierre

– Autoproduction, juin 2017 –

Le nouveau 202project avance à poil. Écorché et sans artifices. En comparaison, son précédent, Les Cendres Et Le Vent, apparaît surproduit et presque clinquant, ce qu’il n’est absolument pas. Et pourtant, ainsi mis à nu, il y a fort à parier que Retour À L’Age De Pierre soit à l’origine de la même tempête intime au creux de l’encéphale. Qu’il s’agisse de sa musique ou de ses textes, rien à faire, on garde la même impression d’infinie justesse. Un peu comme si tout cela venait de nos propres doigts, de notre propre bouche et que l’on entendait là des morceaux bloqués au fond de soi. C’est étrange, cette impression de s’écouter soi-même alors que ce n’est évidemment pas le cas. Mais voilà, ces morceaux se montrent si personnels, si détaillés et descriptifs qu’ils deviennent immédiatement vôtres. Et puis, on le sait bien maintenant, sans la musique, l’impact des mots serait sans doute un poil moins important. Tout s’accorde : la dentelle synthétique soutenue par les cordes élégantes d’une guitare (sèche ou électrique) dessine un post-punk infiniment touchant, les nappes partent chialer dans leur bière, le beat s’enferme en lui-même et l’ensemble crée un spleen parfait pour accueillir les témoignages de 202project. On ne sait pas trop d’ailleurs quelle fonction il attribue à ce nouvel essai – un work in progress préfigurant un album en devenir ? Des morceaux enregistrés parce qu’il fallait bien que ça sorte ? – mais qu’importe puisque Retour À L’Age De Pierre s’en va rejoindre ses prédécesseurs dans le pré carré des disques dont on a l’impression, une fois écoutés, qu’ils ont toujours été là.

Central MassifConfusing

– Compost Musik Production & Brainstorming Records, avril 2017 –

On change d’ambiance et on aborde les dénivelés fracturés de Central Massif : noise rock ouvert aux quatre vents, massif bien sûr mais aussi mouvant. Les morceaux n’aiment pas les lignes droites et leur préfèrent largement les giratoires et les bifurcations, dessinant un relief cabossé qui prend souvent par surprise. Ça avance pied au plancher puis au dernier moment, ça évite l’obstacle ou au contraire, ça louvoie et tout d’un coup, ça se rassemble pour devenir plus lourd. Certes, la voix en fait parfois un peu trop alors qu’à côté, c’est la sécheresse qui domine mais ça n’entame en rien la grande efficacité de l’ensemble d’autant plus que ça reste vraiment rare et que la plupart du temps, elle accompagne au contraire idéalement les circonvolutions fuselées de ses compagnons de bruit. Au grand jeu des réminiscences, Central Massif se balade quelque part sur un segment qui relierait les Butthole Surfers à Sonic Youth en faisant quelques embardées maîtrisées du coté de Washington D.C. ou Chicago mais la musique des Rennais, extrêmement carrée, finit toujours par effacer les références. Plombée et sinueuse, elle n’en reste pas moins dans un lit qu’elle creuse en solitaire (on pense un peu à Tombouctou mais ces derniers cinglent néanmoins dans un méandre parallèle qui n’est pas complètement le même). Une manière de dire qu’il y a beaucoup de personnalité là-derrière et que depuis le début, Central Massif ne cesse de sortir des disques toujours au-dessus des précédents.

ATOMÇKEvery Room In Britain

– SuperFi Records, juillet 2017 –

On quitte nos vertes prairies pour le sud-ouest humide et sauvage de l’Angleterre et ce faisant, on tombe sur Atomçk, ses hurlements de goret qu’on égorge amalgamés à d’autres plus simiesques et franchement étranges, sa guitare ultra-massive, sa batterie sacrifiée et son électronique disloquée lançant des stridences crispées durant les dix-sept minuscules minutes que compte leur nouveau LP. Dix-sept minutes c’est court, surtout pour vingt et un titres mais c’est surtout bien assez. Grind, punk et hardcore sont dans un bateau, personne ne tombe à l’eau et c’est la guerre totale. Bien évidemment, ça tabasse, ça pulvérise minutieusement l’obstacle et ça prend rarement son temps, le climat général est des plus violents et chaque morceau administre une belle branlée. On ne saisit pas le moindre mot mais on bloque sur les borborygmes et les riffs malfaisants que la guitare inventive débite sans discontinuer, on s’attache aussi pas mal au voile synthétique qui se déploie entre les secondes et assez rapidement, ces dernières fondent les unes dans les autres, dessinant in fine un morceau unique qui efface le temps. Ultra maîtrisé, Every Room In Britain réussit l’exploit d’en mettre partout sans jamais déborder du cadre et, une fois l’ouragan passé, on a la curieuse impression que ses cris de chimpanzés sous amphétamines ont réveillé le primate qui sommeille au plus profond de nous. On en deviendrait presque gorille.

The TerminalsAntiseptic

– Ba Da Bing ! Records, mai 2017 –

Direction la Nouvelle-Zélande avec Antiseptic, le nouvel album inespéré de The Terminals après un silence de dix années. Il ne reste pas grand chose du line up originel, si ce n’est la paire merveilleuse Stephen Cogle (chant) / Peter Stapleton (batterie). Contre toute attente, le premier forge la musique, le second écrit les mots et avec l’adjonction d’une basse (John Chrisstoffels), d’un clavier (Mick El Borado) et d’un violon (Nicole Moffat), tout ce petit monde met sur pied de très sombres et très élégants morceaux, parcourus d’une tension palpable qui, loin d’être apaisante, fait mentir en permanence le titre de l’album. Du premier au dernier titre, c’est un enchantement. Très noir, parcourus de mélodies venimeuses, Antiseptic dévoile un relief trompeur qui présente tous les atours d’une morne plaine alors qu’on se balade en permanence de pics en abysses. On monte très haut, on descend très bas et il n’y a aucun espace pour le demi-mesure, l’épiderme reste électrisé tout du long et certains morceaux sont à l’origine d’une nuée de papillons noirs qui s’égayent joyeusement dans le ventre : Edge Of The Night, Runaway Train, Days Of Silver ou encore To Be Lost et j’en passe, portés par les circonvolutions du violon et de l’orgue, la voix habitée de Cogle et l’infinie noirceur de l’ensemble. On a de prime abord l’impression que tous les titres se ressemblent mais pas du tout, il s’agit bien d’une longue épopée en clair-obscur étrangement claustrophobe d’où sourd une extrême beauté. Vertigineux.

SuperChouetteEst-ce bien raisonnable ?

– Autoproduction, mai 2017 –

Pour celui-là aussi, comme pour tous les autres, on aurait aimé écrire plus long eu égard au temps qu’il a fallu pour en faire le tour (et ce n’est d’ailleurs pas encore chose faite). SuperChouette est un duo (Eric Avondo, guitare électrique, batterie et pédales d’effets et Loïc Saint-Paul, l’autre batterie et d’autres pédales d’effets), SuperChouette achalande un free-rock particulièrement inextricable et intriqué qui part dans tous les sens et se montre en permanence captivant. Il peut s’avérer difficile de s’envoyer les dix-sept titres d’une traite – au bout d’un moment, l’encéphale ne suit plus et se met en veille en envoyant de drôles d’images derrière les yeux – mais au final, le disque se révèle tout simplement magistral.  Est-ce bien raisonnable ? Bien évidemment non. Il ne faut pas l’être pour mettre sur pied un tel charivari de percussions et de modulations, pour explorer les multiples nuances anthracites du cambouis (le versant Nocturne) ou celles plus solaires de la rosée matinale (le versant Diurne). D’autant plus que SuperChouette adore l’amalgame et du haut de ses vingt doigts, invente des teintes inédites où le jazz envahit la musique contemporaine qui elle-même électrise le rock alors que ce dernier lorgne vers la noise dans un esprit purement libertaire qui fait beaucoup de bien. Issu du collectif Phauna, inutile de dire que SuperChouette reste fidèle au credo de la « coopérative de musiciens basée dans les Pyrénées Atlantiques, créée en 2015 » dont « les membres s’inscrivent dans une démarche innovante de musique actuelle, jouant avec les formes et les codes pour proposer un paysage sonore en perpétuelle mutation ». Capables d’un beau raffut mais s’épanouissant également dans un registre plus ténu, les expérimentations du duo sont joliment free et franchement jubilatoires.

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