Amantra – Missing Link

Pas facile de parler de ce genre de disque, une seule piste, 38 minutes de progression sournoise qui vous happe et consume vos neurones l’un après l’autre, corrodant votre humeur jusqu’à contaminer vos sensations et votre état d’esprit, faisant corps avec vos pensées les plus sombres et vos instincts les plus malsains. On pourra donc commencer par parler d’Amantra, anciennement Audiomantra, Thierry Arnal à la ville, croisé sur le label Avalanche Recordings de Justin K. Broadrick et en train de marquer notre année dark ambient, puisque ce Missing Link sorti ces jours-ci chez les Finlandais Barely Here vient clore une trilogie de chefs-d’œuvre du genre, rien de moins.

Il y avait eu Dawn Of The Fourth Stage, une autoproduction cinématographique à souhait qui mêlait abstraction des textures, abrasives et déliquescentes, à un formidable pouvoir d’évocation, celle de la déchéance de notre part céleste face à l’amoncellement des nuages noirs de la désolation. Et puis, quelques mois plus tard, on retrouvait le Français du côté du label ukrainien Kvitnu récemment à l’honneur dans nos pages, improbablement associé au canonnier drum’n’bass Kurt Gluck aka Submerged, boss des très radicaux Ohm Resistance, sur un Lost DirectionAmantra montrait la voie, celle d’un dark ambient bourdonnant et rampant aux crescendos étouffants, habité par les lignes instrumentales atypiques de son homologue américain troquant pour l’occasion les beats épileptiques pour des cordes et vents asiatiques et des synthés analogiques.

Sans surprise mais avec la même puissance insidieuse, Missing Link continue donc cette exploration des méandres les plus angoissés et mal intentionnés de notre subconscient, dans la pénombre d’un drone grouillant et sursaturé dont les modulations anxieuses et autres nappes ténébreuses semblent errer dans un no man’s land intérieur d’animosité inhibée et de frustration refoulée. Forcément plus abstrait mais toujours adressé aux sens plus qu’à la raison, ce nouvel opus nous malmène ainsi à coups de crépitements venus des tréfonds de l’abîme, de radiations larsenisantes et de distorsions lancinantes qui paraissent vouloir triturer et sonder notre face cachée en quête d’une réponse au grand mystère, celui de notre part d’obscurité, cette dimension de nous-mêmes que la morale réprouve et qu’on préfère enfouir très loin, profondément, plutôt que de l’accepter, ne serait-ce qu’intellectuellement.

Autant dire qu’à l’image des albums de Cezary Gapik, Caulbearer ou (feu ?) Methuselah (souvenez-vous, notre compil d’il y a 5 ans), on ne ressort pas indemne de ce genre d’expérience et c’est tant mieux, surtout pour ceux qui comme nous préfèrent leur musique assaisonnée au garmonbozia.

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