Bruxa Maria – Build Yourself A Shrine And Pray

Date de sortie : 27 janvier 2023 | Label : Riot Season Records

Bruxa Maria ter et toujours le même malaise, la même noirceur grêlée de violence glauque, d’uppercuts vicieux et de fureur implacable. À la guerrière de Human Condition (2016) et aux lignes géométriques épurées de The Maddening (2020) succède désormais la gravure à l’eau forte de Build Yourself A Shrine And Pray et rien ne change vraiment. Le grain n’est pas moins grossier aujourd’hui qu’il ne l’était déjà auparavant, le noir de Jais n’est toujours pas dilué, la masse reste bouleversée et le chaos, toujours extrêmement chaotique.
Il me semble néanmoins que l’on peut identifier cette fois-ci au creux du maelström bruitiste (une nouvelle fois parfaitement capté par Wayne Adams) quelques moments qui pourraient correspondre à un ersatz de mélodie ou du moins d’apaisement (la voix y est alors plus claire, la violence plus contenue, à l’instar du génial Blind Side expédié au mitan du disque par exemple) mais systématiquement fracassés par les échardes hostiles qui les entourent. Il en résulte quelque chose d’assez étrange, comme si Bruxa Maria s’était quelque peu domestiqué tout en restant drastiquement sauvage, comme si le propos s’était légèrement nuancé alors que ce n’est qu’un leurre. Si c’était déjà sidérant avant, ça l’est évidemment encore plus aujourd’hui.
Dès l’éponyme en ouverture, on retrouve immédiatement la doxa nauséeuse bien qu’elle soit suspendue : les riffs habillés de nappes bruitistes sont lentement lancés dans l’espace, rendus lugubres par la basse puis fracassés par la batterie et ça dure. Brusquement, ça s’emballe. Puis ça lève le pied. Et ça recommence en mode matraquage. Il faut attendre la dernière minute d’un morceau qui en compte 7 pour entendre les cris d’hyène perturbée de Gill Dread. Une entame parfaite, légèrement inédite (jusque-là le groupe avait plutôt tendance à balancer immédiatement toutes ses forces dans la bataille), qui attache fort.

La suite reste à cette hauteur stratosphérique : des circonvolutions partout, des ilots de calme, d’autres de pure violence, des riffs étranges, des passages mastodontes, des sons vrillés et des morceaux légèrement plus longs qu’à l’accoutumée. Du Bruxa Maria prototypique (God Gun Scruples, Dance Like Vasilli), vicié (Totalitarism Pissing), prenant des airs de sabbat flingué (Blind Side, Run Pilgrim), grinçant des dents (Hospital Visit), en rogne et psychédélique (True Say) ; Build Yourself A Shrine And Pray comme un cloaque hostile et irrespirable, à se demander en permanence ce qu’on fout là mais incapable, pourtant, d’en sortir.
Parce que c’est sale, moche, puant et malsain mais aussi beau et jusqu’au-boutiste. Le chaos est prenant, il ne lâche jamais et tout ce qu’il renferme est essentiel, du moindre riff tordu jusqu’au plus petit tintement de cloche, du moindre râle glaçant jusqu’à la plus impitoyable ligne de basse. On reste hypnotisé.
C’est toujours pareil avec Bruxa Maria, tout ce que l’on peut s’envoyer après sonne factice, surjoué, fabriqué. On détaille le bordel en se demandant comment il peut être aussi bien agencé alors que tout y est tellement fragmenté, épars, en miettes. Le solo au wriiizzzziiizzzzzz dantesque qui apparait subitement au milieu de God Gun Scruples, la mystique de Blind Side, le parterre grouillant d’où s’élève Hospital Visit et une multitude d’autres trouvailles, d’autres détails, d’autres trucs et machins qui démarquent sa musique du tout-venant bas-du-front. Ici, rien à voir ; c’est instinctif, intelligent, tout le temps en recherche. C’est bien ce qui rend l’entropie générée si impressionnante.
Grand groupe, grand disque et c’est tout.

leoluce

Le disque s’accompagne de trois morceaux bonus que je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter (c’est mal !). A priori, ils n’apparaissent pas sur la version vinyle que je n’ai pas encore reçue et je ne sais pas du tout à quoi ils ressemblent. Étant donnée leur durée (respectivement 2, 8 et 9 minutes), ils s’annoncent dantesques mais, tant pis, il me semble que les huit premiers suffisent à cerner l’animal.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *