Date de sortie : 11 mai 2021 | Labels : La Manufacture des Bruits de Fond, Les Disques Anonymes, Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, L’Etourneur, Prix Libre Record, L’Effroyable Association des Satanistes Soviétiques de l’Ouest, Amour et Tétanos
Jusque-là, je ne connaissais absolument pas et pourtant, déjà plusieurs sorties depuis 2019. Celle qui nous intéresse ici a déjà plus d’une année au compteur mais comme elle a vu le jour en plein milieu du premier confinement, période pour le moins bouleversée, il a fallu attendre sa sortie en vinyle (agrémentée d’un titre supplémentaire et d’une tracklist du coup chamboulée) et son apparition sur les bandcamp de Bruits de Fond et feu Et Mon Cul C’est Du Tofu (entre autres) pour qu’elle atteigne mon clavier.
Touch donc, nouvel EP de Carriegoss, « solo musique » plutôt froide mais pas vraiment désespérée que l’on qualifiera prudemment de synthwave même si, encore une fois, le jeu des étiquettes, hein… J’ai d’abord été très attiré par la pochette signée Badame L’Ambasadrise rappelant évidemment celle de Noires Sont Les Galaxies d’Ex Fulgur même si on n’est pas vraiment dans le même créneau musical, quoique. Ensuite, je suis assez facilement tombé dans les filets d’un titre comme Recluse planqué au mitan du disque par exemple (et déjà entendu sur la Compilation Confiné-e Records CR07). Un morceau qui s’appuie sur des nappes enveloppantes et un carillon primesautier s’opposant à la voix désincarnée. Et puis l’évidence mélodique aussi. Un chouette morceau qui représente parfaitement la musique sensible de Carriegoss : des machines partout, un clair-obscur très travaillé qui s’accorde autant aux degrés excédentaires qu’aux nuits noires, des textes personnels et des morceaux légers-plombés qui révèlent une belle densité derrière leurs atours sucrés. Il y a, au fond, pas mal d’amertume et de froideur au creux des brumes synthétiques de Carriegoss, un je-ne-sais-quoi qui, une fois associé aux trames plus accortes, accroche beaucoup. Touch marque ainsi par son équilibre au cordeau.
Adepte du D.I.Y., prolifique, on retrouve d’ailleurs la basse et le chant de Carriegoss sur l’éponyme de Torropiscine, sorti lui aussi il n’y a pas si longtemps (et dont on reparlera très vite), et c’est intéressant car même si c’est assez différent (c’est Amy Binouze qui y tient les claviers, Horst du Noch complète le trio à la batterie), il y a quelques réminiscences entre les deux entités, en particulier cette coloration assez sombre évidemment mise bien plus en avant chez les seconds.
Sombre mais, chez Carriegoss, pas moribonde, encore une histoire d’équilibre. Touch exhale des larmes dont la teneur est difficile à identifier : amères mais pas trop, tristes mais tout autant joyeuses, douces et légères et bien froides aussi.
Les nappes-Terminator de Standby tranchent ainsi avec les mots fredonnés et la voix éthérée mais ne les annulent pas et personne ne prend le dessus. Idem du côté de Wonan parcouru d’un vent synthétique strident qui accompagne bien le beat rebondissant, devenant plus martial sur Typical mais adoucit par l’évidence mélodique d’un refrain adhésif quand Secret synthétise tous les aspects développés jusqu’ici, concluant idéalement ce très bel EP.
Touchant et complètement prenant, Touch développe aussi des sonorités qui ramènent pas mal au passé (des accents parfois à la The Cure ou Talk Talk dans son versant le plus pop), à d’autres contrées (il y a un petit côté minimaliste très slave là-derrière) mais sans jamais apparaître comme un succédané, le tout renfermant beaucoup trop de personnalité pour cela.
Du coup, cinq titres qui poussent à écouter tous le autres – il y a une patte certaine dès le début et quand Carriegoss chante en français, c’est tout aussi intéressant – et font évidemment attendre la suite, pourquoi pas sous la forme d’un LP puisqu’il devient clair au terme de l’écoute que la rennaise (Gwladys Orbs de son vrai nom) a encore beaucoup de choses à faire passer.
(leoluce)