Orchestra Of Constant Distress – Concerns

Date de sortie : 30 juillet 2021 | Label : Riot Season

Concernant l’impact, ça ne change pas. C’est ultra-cérébral sans l’être le moins du monde. Ça tatapoume, ça wizzz et ça pshittt. Ça crisse, ça frotte et ça racle allègrement. C’est froid mais un genre de groove en rogne accompagne le tout. Évidemment, c’est très très très répétitif mais quand on essaie d’isoler un mouvement ou une structure, c’est plus ou moins peine perdue parce qu’on est toujours très attiré par l’arrière-plan accidenté (au risque d’en perdre des miettes) et quand on focalise sur ce dernier, les riffs reprennent le dessus (ils reviennent sans cesse, comme le ressac, impossible de les ignorer).
Ce quatrième album d’Orchestra Of Constant Distress n’est pas une rupture et préserve le paradigme abrasif pratiqué jusqu’ici. Enfin, ça n’est pas tout à fait ça parce que tout le paradigme est une rupture en fait et fatalement, chaque album se démarque du précédent via d’infimes variations. Ce groupe est un laboratoire.
C’est du noise-rock mais ça n’en est carrément pas. C’est psychédélique aussi mais c’est très loin de l’être. C’est très organisé tout en générant une entropie digne d’une chambre d’ado. Toujours drastiquement muette, la musique continue à filer son coton infiniment glauque et affligé. Sans se presser, la batterie (Anders Bryngelsson) martèle mollement, la guitare (Joachim Nordwall) photocopie ses riffs (ou s’en passe simplement, leur préférant de vicieux larsens), la basse (Henrik Andersson) balance ses enclumes et les nappes parasites (Henrik Rylander) monopolisent l’espace laissé vacant et/ou s’agrippent à tout ce qui sort des trois autres pour en pervertir le rendu. Dans l’exacte lignée de Cognitive Dissonance, Concerns – une fois n’est pas coutume – s’en démarque pourtant en donnant l’impression d’avoir cette fois-ci laissé de côté tout ce qui pourrait vaguement rappeler une construction au profit du seul inattendu.
On a vraiment l’impression que rien n’est prémédité là-dedans, chacun découvrant ce qu’il joue au moment où il le joue, se contentant ensuite de répéter les mêmes gestes jusqu’à ce que, tous, mus par je ne sais trop quelle dynamique irrépressible, décident au même moment d’arrêter là et passer à autre chose. Pas d’émotions particulières, rien à expulser puisque de toute façon, la répétition des mêmes motifs et leur persistance de longues minutes durant court-circuitent le cortex. On ressent des trucs mais on ne sait pas ce que c’est, la musique d’Orchestra Of Constant Distress étant particulièrement imperméable à toute forme d’analyse.

Ce qui ne change pas aussi, c’est la forte attraction qu’exerce Concerns. Cette fois-ci, les morceaux sont un brin plus courts mais plus nombreux et ménagent de belles enclaves de pures improvisations. À l’instar des 378 secondes de Difference, par exemple, où la batterie semble être seule au monde alors que dans l’arrière-plan, ses petits copains psychopathes accidentent la tension, l’exacerbant et l’aplatissant tour à tour, pour un rendu franchement agaçant mais encore plus inexplicablement attirant. Pourtant, qu’est-ce qui peut bien m’attirer là-dedans ? Ai-je besoin qu’on me répète les mêmes choses lentement ? Me complais-je dans une nuée d’éternels reproches ? Il me semble que c’est sur ce genre de trucs qu’appuie le groupe, ce qui n’étonne pas quand on se rappelle le pedigree de chacun (pêle-mêle de bouts de Skull Defekts, Brainbombs ou Union Carbide Productions entre autres, pas vraiment connus pour leur extrême bienveillance). Pour autant, dans ses velléités jusqu’au-boutistes, son absence totale de séduction, Orchestra Of Constant Distress n’a aucun mal à séduire.
Sa science du proto-riff qui tient miraculeusement debout (Consistence, Dependance), son goût immodéré pour la freeture jamais vaine (le mystérieux Unreleased), sa façon d’asséner encore et encore et de plus en plus fort sans jamais se précipiter (le génial Exposure) et ses improvisations qui semblent faire du surplace tout en se déployant dans toutes les dimensions (l’indéboulonnable Presence) aboutissent à des morceaux moins longs qu’à l’accoutumée peut-être mais qui n’en restent pas moins sidérants et Concerns s’en va rejoindre illico les trois autres dans les rayonnages consacrés au chaos, quelque part entre USA/Mexico et Shit & Shine pour rester chez Riot Season.
De prime abord, on pourrait d’ailleurs penser que le groupe l’a justement domestiqué, son chaos mais ce n’est qu’un leurre. C’est sans doute la répétition de plus en plus forcenée qui donne cette impression alors que la moindre seconde demeure bien chargée en désordre et confusion.
Au fond, Orchestra Of Constant Distress, à force de creuser sa matière, n’en finit pas de ne jamais atteindre le fond.

(leoluce)


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