Don Aman – Monsterlock

En 2018, la maison brûlait, en 2020, des mains inondent la serrure et la musique, elle, ne bouge pas. Don Aman poursuit la voie de l’amalgame fracturé, tord sa folk dans tous les sens en lui adjoignant un souffle noise lapidaire et les morceaux qui en résultent sonnent systématiquement écorchés vifs. Ils sont au nombre de sept (comme les mains de la belle pochette imaginée par Marie Koszela) et comme à l’habitude, ils envoûtent complètement. Inquiets, intenses, se sont des petites merveilles d’équilibre près de l’os, débarrassées de tout ce qui pourrait faire entrave à leur course hypersensible et en affadir l’impact.
Pourtant, ils ne paient pas de mine et en premier lieu, on n’en retient jamais grand chose si ce n’est la voix, omniprésente et très en avant, qui occulte un peu le parterre. Mais on connaît Don Aman et on sait que ça ne dure jamais longtemps. D’abord, il y a bien trop d’enclaves strictement instrumentales pour oublier de détailler l’ensemble et ensuite, c’est bien à ce niveau que tout se joue : sous ses atours calmes, Monsterlock bouillonne et c’est toujours sidérant de détailler comment, chez eux, le ténu fracasse le véhément et inversement. Le calme plat n’est jamais plat, les irruptions demeurent soudaines (voire n’arrivent pas) et de l’autre côté, on reste en permanence sur le qui-vive.

Nothing en ouverture le montre bien : sa lenteur n’est qu’une façade, la tension est bien réelle. Elle resurgit par intermittence au début de l’éponyme avant que la guitare ne montre définitivement ses crocs. Tout autour, pourtant, ça demeure tranquille et le morceau poursuit sa route cahin-caha sans beaucoup plus s’énerver. Un piano fait même son apparition avant que la saturation ne reprenne le dessus puis se taise définitivement. Place à Glory, superbe écorché qui retrouve sa chair petit à petit, des chœurs élégants s’accrochant aux nerfs. Mark- et -Mark, évidemment, se complètent, le premier introduisant le bucolique second, sans doute le plus pop du lot, le plus solaire aussi. Néanmoins, le ciel de traîne de Coral vient immédiatement plomber les quelques rais de lumière et Schwindler finit de disloquer le tout, la tension d’abord concentrée sur la caisse claire s’insinuant tout autour. À la fin, les quelques applaudissements suggèrent une prise directe et c’est vrai qu’on a vraiment l’impression que le groupe joue tout à côté de nous.
On l’entend, la dynamique est retorse et Monsterlock montre, si besoin était, que Don Aman est décidément bien singulier. C’est à la fois très simple et loin d’être simple et on se demande souvent comment le trio garde intacte sa fluidité au regard des nombreux chausses-trapes qui émaillent ses morceaux.

Au final, il y a beaucoup d’étrangeté là-derrière et depuis trois disques, la musique ne cesse de s’épaissir. Elle reste indubitablement la même mais tout y est exacerbé. Le rendu est plus net – les brisures, les mélodies, les voies multiples – mais les contours demeurent flous et tout cela a beau être construit sur des éléments sommes toute plutôt communs, Monsterlock est très loin de l’être. Le disque – et par extension tout Don Aman – hypnotise et ce n’est toujours pas avec celui-là qu’il frôlera l’anecdotique.

Intense.

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