La Chasse – Sidera

Tu veux de l’incantatoire, du tellurique et du mystérieux ? Une musique capable d’arracher tes idées noires branchées sur le flux tendu et la substance visqueuse de 2020 pour les précipiter ailleurs mais sans en changer la couleur ? Tu veux partir loin sans bouger de chez toi ? Voilà Sidera, nouvel album de La Chasse. Reprenant les choses exactement là où Noir Plus Noir Que Le Noir (2017) les avait laissées et procurant exactement le même effet. En moins goth toutefois parce que lorsqu’on manipule une telle matière, on ne peut pas répéter les choses à l’infini. Il y a trop d’enfoui, trop de forces invisibles se fracassant les unes contre les autres pour laisser le prévisible s’exprimer.
Plus d’une fois, le duo donne l’impression de n’être qu’un média expulsant des choses qui le dépassent, tentant de domestiquer des courants qui s’entrechoquent sous la lithosphère sans y parvenir tout à fait. Bien sûr, ce n’est qu’une impression mais j’ai bien du mal à dire autrement à quoi s’accrochent ces morceaux lorsqu’on les écoute. Les ondes ravagées de la basse font vibrer l’épiderme, la batterie imprime son empreinte tribale sous le thorax, les voix psalmodient des mots étranges qui tapissent l’encéphale et une fois expulsée des enceintes, la musique traverse le corps pour rejoindre le parterre. Bref, on l’aura compris, on ne comprend pas grand chose à La Chasse mais on ressent beaucoup.

Les Bergères De L’Apocalypse – le duo pourrait se rebaptiser ainsi – débute façon drone ésotérique et abandonne subitement ses suppliques mystérieuses pour exploser en gerbes de mercure plombées. C’était incantatoire, ça devient massif et ça le reste. Sur Boue, on croirait d’ailleurs entendre du True Widow un poil moins flou et plus direct. Cette dynamique lourde est ensuite maintenue tout du long même si elle n’interdit pas quelques respirations tout aussi possédées que les titres plombés qui les entourent (Doloris qui porte très bien son nom par exemple).
Un drôle de mélange, austère, froid mais très enveloppant où les ondes et les pulsations telluriques font jeu égal avec les voix systématiquement étranges : alors que les premières font léviter les morceaux à l’envers en les enfonçant dans les strates, les secondes les envoient plutôt vers le haut. Et puis il y aussi tous les atours indéterminés, l’électronique grouillante, les cris de Pythies (Les Nouvelles Ordalies) et le côté pas orthogonal de l’ensemble qui ajoutent encore à la belle étrangeté de La Chasse.
Tout à la fois dans l’exacte lignée de ce que l’on connaissait d’elles tout en en s’éloignant quelque peu, une nouvelle fois parfaitement capté par Seb Normal et masterisé par Julien Louvet, Sidera sidère, ne rompt pas le paradigme énigmatique qui nous lie au duo et se montre en permanence jubilatoire.

Très très très très recommandé.

Pour l’heure, difficile de savoir quand paraîtra l’édition vinyle mais les quelques euros que vous pourriez déposer en contrepartie de la version numérique seront intégralement reversés à quelques collectifs solidaires (liste sur la page bandcamp du groupe) jusqu’à fin avril alors n’hésitez pas.

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