Machiavellian Art – Indoctrination Sounds

Date de sortie : 24 février 2023 | Label : Riot Season records

Le groupe s’appelle Machiavellian Art et son album, Indoctrination Sounds. Ça devrait donc logiquement être machiavélique et finir en endoctrinement. De fait, on comprend très vite que le truc vise l’encéphale afin de s’y faire une place et rester là. Verdict ? Je ne suis pas sûr d’avoir réussi à préserver complètement mon libre-arbitre parce que le disque tourne pas mal ces derniers temps.
Les armes d’abord : deux guitares, une basse et une batterie. Rien de bien nouveau jusqu’ici. Du saxophone aussi. Beaucoup de bidouille. Ah ! Et une voix plutôt déclamatoire qui s’emballe parfois. Le tout balancé exactement au même moment pour occuper toute la hauteur du spectre. Le plus fort, c’est qu’on discerne bien tout ça dans la mixture fracassée et distordue des cinq Anglais et le fait que le disque soit estampillé des vénérables initiales de Riot Season permet de s’approcher tangentiellement de ce que joue Machiavellian Art.
Ce qu’il joue donc : des pulsations et des ondes. Méchamment. Impitoyablement. Indoctrination Sounds est tout le temps anxieux, franchement claustrophobe et se fout d’être accueillant. On se situe plutôt du côté USA/MexicoShit & ShineTodd du label sus-cité, là où le chaos cosmique naît d’une boue grouillante et déchirante. Alors chez Machiavellian Art (chez qui l’on retrouve des Vile Sect ou Snob), c’est un tout petit peu plus carré mais ça malaxe néanmoins les mêmes obsessions. On y est mal à l’aise tout en s’y sentant à sa place. Ça mélange beaucoup de choses différentes allant du drone au punk hardcore, du black au shoegaze, de la freeture à la noise industrielle et tout ça mis ensemble donne ces sept.. euh, morceaux ? hypnotiques, tendus et chelous.

C’est hostile dès Serotonin Problem et ça le reste tout du long : riffs doom vacillants et saxophone menaçant, basse dégueulasse et batterie sacrifiée fournissent un parterre mouvant d’où quelques mots émergent. Ceux que Machiavellian Art répètent, assènent avec morgue ou détachement pour les inscrire profondément dans le cortex comme une idée fixe. C’est distordu de partout (c’est un mille-feuille de couches de bruit) mais aussi étrangement lisible (on distingue une forme de groove calciné là-derrière) et l’équilibre se maintient ainsi jusqu’au bout. Même dans ses moments les plus enlevés (l’éponyme par exemple ou le génial Watch Them Crawl plus loin), on n’est jamais complètement perdu dans le disque même si on ne sait jamais clairement où l’on va. La tension entre repères et absence de repères crée facilement l’addiction en tout cas et lorsque l’ultime et très étonnant Digbeth B5 s’évapore (dans tous les sens du terme), on n’est vraiment pas loin de l’endoctrinement recherché.
D’autant plus que derrière les échardes, il y a une forme de tristesse latente, non feinte que mettent bien en avant les six titres de la cassette inaugurale de 2019, adjoints à la version numérique d’Indoctrination Sounds. Ces morceaux d’hier sont moins saisissants que ceux d’aujourd’hui mais on y trouve déjà les traits principaux : le grand bordel, l’absence de direction qui en devient une, les cris, les riffs dantesques (guitares et basse) et le saxophone qui se fraie un chemin étrange dans le chaos.
Bref, on a là un genre de ferment psycho-noise retors et tout le temps inattendu, bizarrement profond et prenant qui sonne parfois comme un early-Godflesh ayant avalé Flipper ayant avalé Fun House dans une dimension parallèle et comme en disant cela, je n’ai évidemment rien dit, je vous laisse écouter ce qui se trouve en-dessous.

leoluce

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