Princess Thailand – And We Shine

D’abord, le triumvirat obligatoire – guitare, basse, batterie – puis le chant évidemment, quelques claviers et enfin, une/des flûte(s) que l’on ne décèle pas forcément, perdue(s) au milieu des agrégats, excepté lorsqu’on entend qu’elle(s) (sur l’entame d’In This Room par exemple). Avec tout ça, Princess Thailand façonnait jusqu’ici un noise-rock bien post-punk aux entournures (et réciproquement) le temps d’un très chouette premier album qui voyageait un petit peu partout sur la mappemonde. Et aujourd’hui ? Eh bien, c’est tout pareil. Mais c’est aussi différent.
And We Shine est un bloc massif : les îlots de calme relatif faisant jeu égal avec les grosses déferlantes sont désormais moins nombreux, les senteurs hallucinées et marécageuses ont également disparu et le vaudou semble avoir quitté la place. Précisément tout ce qui nous attachait à l’éponyme. Du coup, la première écoute déstabilise mais les suivantes accaparent. C’est vrai, c’est différent mais Princess Thailand garde ses principaux atouts. Un chant habité, un sens de la composition maousse et cette capacité à entraîner les neurones dans la direction que le groupe a choisie. And We Shine met ainsi en avant la borne post-punk de l’amalgame susmentionné, les lignes de basse arachnéennes ne font aucun doute, les claviers congelés non plus. On quitte les marais pour un bunker glauque mais ça reste tendu et urgent et habité. On voyage un peu moins mais en relocalisant ses diatribes dans une époque (les ’80s) tout en lui adjoignant une vibration contemporaine (le technoïde We Shine), Princess Thailand demeure prenant.

On y croit comme on a cru aux effluves swamp passées. Finalement, c’est la face européenne du même blues que le groupe expose aujourd’hui. Les morceaux restent écorchés, un flux rageur les habite et avec une organisation des interventions de chacun légèrement différente, Princess Thailand provoque les mêmes sensations. Les claviers fournissent la chair et montrent la voie au même titre que la basse, les flûtes s’intègrent plus profondément dans l’ossature, les guitares tapissent ou déchirent, c’est selon et le chant danse par-dessus. C’est souvent triste, porté par des mélodies affligées auxquelles s’oppose l’animalité/la sensualité de la voix et on comprend très vite en quoi And We Shine.
On rentre via les nappes sourdes de First Time et se sent très vite bien dans le disque : le souffle hanté perdure même s’il n’a plus la même forme, le très efficace refrain fait bien un peu peur en sonnant suspect (car un poil épique) au début mais il finit par s’insinuer sans crier gare et lorsque résonne le carillon glacé de Sonar, on est déjà captif. La suite est du même acabit, souffle le légèrement chaud et le très froid, cotonne et écorche avec une belle élégance et on passe de pics en abysses sans à-coups, souvent au sein du même morceau. Difficile d’ailleurs de ne pas les citer tous puisqu’ils forment un tout cohérent où l’instinct le dispute à la minutie : les mélancoliques In This Room ou Night After Day, les plus renfrognés Now/Where et Into Her Skin et cætera dessinent au fur et à mesure un album qui s’insinue comme un poison lent.

Alors c’est vrai, sur la pochette, l’étoffe qui dissimulait le visage du précédent a disparu mais la surexposition fait qu’on ne distingue rien de plus aujourd’hui et même en repassant les contours au gros feutre rouge, on ne sait toujours pas très bien ce que l’on cerne et ça reste très attirant : un bon résumé de Princess Thailand à bien y regarder.

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