UNDER 45 – Cancelled

Date de sortie : 11 mai 2021 | Label : Destructure

« The single biggest killer / For men under 45 / It’s suicide » ou « I’m me / I’m free / I’ve just had my lobotomy » plus loin pourraient suffire à planter le décor mais ça ne s’arrête pas là. Il y a aussi la guitare élégamment coincée (Pascal, qui s’occupe aussi des synthés), la basse moribonde (Fabien, rien que la basse) et la batterie… ah non, juste Suspicious Steve (drum machine) qui fait semblant d’être un humain. Et puis il y a Jake aux invectives qu’il se charge d’écrire aussi. Un accent cockney du plus bel effet qui fait pas mal penser à Dan Brookes de Total Victory (mais aussi parfois à Jello Biafra, notamment sur l’introductif Put Da Boot In). Bref, on pourrait s’arrêter là : Cancelled, premier album d’UNDER 45, fraie dans le post-punk canal historique et le fait parfaitement bien.
On rajoutera juste que l’album contient huit morceaux et autant de tubes. Oui, des vrais tubes, des trucs qui colonisent la boite crânienne et n’en bougent plus. C’est nerveux mais aussi mélodique et mélancolique quand ça ne frise pas le désespéré (se reporter aux paroles) et ça s’insinue immédiatement sous la peau. Une belle saloperie qui vous tombe dessus alors que vous n’aviez rien demandé à personne. Enfin, me concernant, c’est comme ça que ça s’est passé : une première écoute sur bandcamp et le disque dans ma boîte aux lettres quelques jours plus tard sans jamais me rappeler ni où (j’exagère, c’est ) ni quand (j’exagère aussi, c’était au mitan du troisième morceau) je l’avais acheté.
Dire aussi peut-être que le vinyle noir tourne en 45 rpm. Le trio est cohérent. Pour le reste, ça ne s’éternise pas – tout est systématiquement dit en moins de trois minutes – et UNDER 45 préserve sa tension tout du long. Forcément puisque ça ne s’éternise pas. Leur post-punk n’est pourtant pas une morne plaine où tout se ressemble, c’est même plutôt varié et ça touche même au prêche très déstructuré sur l’ultime The Unsaid.

On est donc face à une petite pépite. On ne sait pas trop combien de temps elle va résister aux écoutes répétées parce qu’il faut bien le dire, le disque ne s’éloigne jamais très longtemps de l’empan de la platine et je redoute le moment où je l’aurai épuisé jusqu’à la corde. Mais pour l’heure, peu importe, le disque tourne souvent et c’est tout.
Un morceau ultra-addictif d’emblée – Put Da Boot In, construction au cordeau, évidence mélodique, tension partout – et tous les autres qui vont voir ailleurs (s’approchant ou s’éloignant de la borne punk) mais pas trop loin quand même. Chez UNDER 45, on préserve son spleen insulaire et son élégance coincée tout du long même si on vient de Lyon. C’est en permanence très bien foutu : la basse maousse tapisse consciencieusement le parterre et s’oppose au tchak-poum en plastique évidemment métronomique, la guitare file une dentelle très serrée mais qui peut aussi être carnassière et/ou prolixe et la voix étranglée suprêmement classe finit de donner un supplément de chair aux écorchés. Du coup, c’est un festival : punk (le formidable Global Warming et quelques autres), pop tendue et écorchée (le formidable I’m Me et quelques autres), refrains scandés (le formidable Wot 4 et quelques autres), aplatissement (le formidable Giv & Get et quelques autres), monologue de prédicateur chargé (The Unsaid et rien que lui) et ainsi de suite. Alors oui, ça fait beaucoup de « quelques autres » alors que le disque ne comprend que huit titres mais il faut dire que tout est dans tout et que les pièces du puzzle ne sont pas limitées qu’à un seul morceau, elles les inondent tous.
C’est très sec mais pas du tout sans relief, les idées sont exploitées à plein en seulement quelques minutes et du coup, pas de place pour la fioriture et l’inutile ce qui participe pour beaucoup à l’attachement sans limites à ce petit bout de vinyle noir.

UNDER 45 agrafe un Faux Départ à quelques Bleakness (on retrouve un peu des uns et des autres là-dedans mais pas trop quand même, Cancelled étant avant tout fidèle à lui-même) et du coup, on ne s’étonne pas de sa réelle maîtrise alors qu’il ne s’agit que d’un premier album. Ajoutons à cela un très bel artwork (signé Lewis Mclean, la photographie du trio est à porter au crédit de Jennifer Noesser) lui aussi maîtrisé et vous comprendrez qu’il n’y a pas vraiment d’autre conclusion possible : succombez.

(leoluce)

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