Deux guitares, une batterie, le plaisir évident d’en jouer en faisant le maximum de bruit et au final, pas mal de possibilités. En provenance de Göteborg, Videoiid propose une noise protéiforme et séminale empruntant à droite à gauche – no wave, triturations incandescentes à la early-Sonic Youth, déstructurations étranges rappelant Arab On Radar, des gros bouts de punk et des pincées d’indie rock, le rétroviseur lorgnant systématiquement vers les ’80s agonisantes/début des ’90s – mais jouée avec suffisamment d’urgence pour n’en avoir rien à faire. Empaquetée dans un chouette EP inaugural de six titres, elle déborde de partout tout en filant droit. Les voix, les guitares, les idées s’entremêlent pour échafauder des morceaux à la structure mouvante et toujours affûtée. Videoiid, ça coupe, ça crisse et ça tabasse mais avec le sourire aux lèvres. Bien que s’appuyant sur des éléments renvoyant quelques années en arrière (mais toujours d’actualité), tout cela s’avère d’une extrême fraîcheur. La faute au climat suédois sans doute mais pas seulement. Le moteur principal à l’œuvre là-derrière, c’est le plaisir pur, celui de jouer on l’a déjà dit mais aussi de saisir immédiatement ce qui sort de ces trois dizaines de doigts pour l’offrir dans la foulée aux quelques paires d’oreilles qui voudront bien s’y arrêter. On sent bien que Videoiid s’amuse beaucoup – tout en conservant ses angles – et du coup, on s’amuse beaucoup aussi, ce qui fait un bien fou en ces temps pour le moins moribonds.
Le trio réunit Sara Jansson et Arvid Bjurklint, toutes deux suédoises, puis Sheik Anorak qu’on ne présente plus par ici ou par là. Chacun a un pedigree musical qui s’exprime d’une façon ou d’une autre dans cette noise tout aussi métamorphe que carrée. D’emblée, Videoiid balance des bruits grouillants mêlés de larsens vicelards. C’est Go Away (Deleuze), la batterie déboule pour construire une certaine orthogonalité débouchant sur un refrain scandé mais très vite, le bruit revient au premier plan et ça s’achève abruptement. Le suivant, IWFNANWC, sera tout aussi martelé mais avec une mélodie plus prononcée, un pied dans l’indie rock, l’autre dans la dislocation. Et ainsi de suite – le très Sonic Youthien Sunn 636 amène les circonvolutions larvées du bien nommé Crackhead Jazz avant que tout ne s’aplatisse avec Flowers (Lala Song) – jusqu’à la reprise de Suicide, Why Be Blue, fidèle et sauvage, venant clore d’une belle façon un EP tout aussi monolithique que varié. Ajoutez à cela un chouette artwork élaboré par Ben Sanair et vous comprendrez que l’on tient là un objet qui, s’il n’invente rien (et encore une fois, ça n’a strictement aucune importance), se montre extrêmement séduisant. Restituant bon nombre de sons en provenance directe de nos étagères mais avec une énergie et une candeur très attirantes, l’EP revient régulièrement gratter les tympans de son étoffe tranquillement abrasive. Un chouette début qui appelle forcément une suite.
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