Sluggart – Slumberless

Nous ne le dirons jamais assez, mais la maison Xtraplex est réellement incroyable. Ayant fêté en février dernier ses deux années d’existence, parsemées depuis ses préambules de sorties toujours plus enivrantes les unes que les autres au style désormais si reconnaissable et singulier, elle vient de franchir une étape prépondérante, celle des prémices de la production d’objets physiques. Ayant vécue plus de la moitié de sa vie dans la pure gratuité, la demeure belge s’est donnée les moyens de matérialiser ces 24 mois d’efforts et ainsi entamer la production de cartes SD, cassettes et autres compact discs (dans un premier temps). Lentement mais sûrement Xtraplex impose sa « patte », nullement propulsée par un quelconque souhait de renouveau stylistique ou de réelle percée médiatique. Ces « ganglions créatifs » tels qu’ils se définissent eux-mêmes, gardent le même et unique cap qui est le leur, ne cherchant aucunement à réinventer la roue, au profit d’une recherche approfondie sur l’ambiance, et le ressenti pur qu’elle procure. Au pays des ganglions géniculés, la mélodie est reine. Et pour enfin en venir à notre sujet principal, Slumberless est sans nul doute l’un voire le meilleur disque du label. Une immense joie donc de le voir prendre vie sous forme physique. Ajoutez à cela un superbe artbook incluant certaines des illustrations de Sluggart en personne si vous souhaitez vous offrir le pack complet (même si je crois que le bouquin est d’ores et déjà sold-out).

Je n’aime pas citer d’autres artistes pour appuyer mes argumentaires, en particulier pour la maison gantoise, mais il est intéressant de noter que la production à laquelle nous avons affaire se rapproche de celles de l’écurie Ultimae (Sync24 ou Carbon Based Lifeforms notamment), en particulier sur le morceau Drunken Follies. Un tantinet plus sombre qu’à l’accoutumée (par rapport au label entier ainsi qu’à sa première production sortie en février 2012), ce dernier effort accouché par Sluggart est une perle de rêverie en clair-obscur aux humeurs changeantes, zigzaguant entre trip sous substances inconnues, brumeuse noirceur et j’en passe. En réalité, difficile de savoir de quel côté du mur nous sommes. Le ressenti par rapport à l’objet a été plus qu’ardu à mettre sur papier. Comme un rêve des plus bizarres que nous tentons de narrer à l’éveil, Slumberless marque son empreinte à chaque temps fort de l’histoire, laisse derrière lui certains détails pointilleux, mais nappe notre cortex d’un sentiment quant à lui terriblement précis. Ce rêve-là est hors du temps, beau mais dramatique à la fois, soumis aux aléas manichéens. Pleinement humain et victime d’une existence sans attache familière, éduqué à la seule force de la survie en solitaire dans un monde hagard et terrifié, vide de bonheur, laissant quelques brefs balbutiements de cordes vocales s’émanciper au gré des vents dans ce vaste lieu apocalyptique et infiniment brumeux, dans l’espoir d’une réponse, en vain (Pavement). Slumberless relate la survie d’un être dont on ne sait rien, destiné à respirer et à vagabonder dans la solitude la plus absolue.

Sam Nielandt de son vrai nom garde ce même goût marqué pour les accords bizarroïdes,  mais son travail se voit affublé d’un niveau d’abstraction un cran au-dessus. Bien moins immédiat dans son rythme, plus en retenue et en profondeur, c’est en définitive un travail bien plus abouti, même si son précédent essai était déjà de haute volée. Pleinement attachant dans toute sa splendide noirceur et sa mélancolie suave, percutant dans toute la tristesse et le désespoir qu’il matérialise à la perfection (Hollow Heart), il est de ces albums capables de stimuler des émotions nouvelles, sorte de fusion de sentiments usuels dont la combinaison opère comme une forme de magie noire, aux frontières d’une catalepsie lorgnant sur la pénombre, aux très succinctes traces de clarté optimiste mais à la beauté sans pareille.

-inoui-

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