Stoned Diplodocus – Ante Mortem

Il n’aura échappé à personne que 2017 est désormais enterrée, on devrait donc logiquement commencé à parler un peu de 2018. Plutôt que d’entamer un mouvement vers l’avant ou tout du moins ausculter le présent, on va plutôt jeter un coup d’œil vers l’arrière. Enfin, l’arrière récent. Et remonter quelques disques dont il fallait parler parce qu’on n’entamera pas 2018 sans avoir d’abord bien rangé 2017.

On commence aujourd’hui par un truc légèrement oxymore. On va parler de dinosaure, on va parler de masse et d’embonpoint mais aussi – et c’est assez paradoxal – de légèreté. Le disque s’appelle Ante Mortem et montre un diplodocus plutôt mal en point en noir et blanc sur sa pochette. Enfin, mal en point on ne sait pas trop en fait. Est-il mort ? Dort-il ? Si l’on se réfère au titre et à la musique, on opterait plutôt pour la deuxième solution. Ante Mortem, donc, deuxième album des parfaitement bien nommés Stoned Diplodocus. On pourrait vraiment s’arrêter là puisque tout semble résumé par ces quelques mots. C’est lourd et c’est bien perché aussi. Pachydermique et psychédélique. Un peu stoner aux entournures également. Les quatre morceaux de ce nouvel opus avoisinent tous le quart d’heure et montre une belle unité de prime abord. Deux guitares, une batterie, pas de chant (ou très peu, sur Bad Pills notamment) et c’est suffisant pour construire des épopées au long court où le pachyderme montre toute sa souplesse insoupçonnée. On ne sait pas trop à quoi il carbure mais il est vraiment capable de tout : ramper dans la boue, courir le 100 mètres, esquisser quelques entrechats sans jamais casser la porcelaine, sauter haut dans le ciel pour rejoindre l’espace intersidéral et évidemment, tout écraser sur son passage. C’est que la belle unité susmentionnée est sacrément métamorphe. Alors que l’on s’attendait à réfréner nombre de bâillements durant l’écoute, force est de constater que pas du tout. Là où l’on pouvait craindre un disque aux riffs convenus, sans imagination et sans finesse, se tient en réalité une musique puissante et sauvage.

Les prémices de Sun Song ouvrant le disque ramènent à Earth, celui de ses dernières incarnations épurées et minérales jusqu’à ce que les guitares montrent les crocs et que débarque la batterie. Bye bye le désert, au revoir le soleil de plomb, bienvenue dans les ’70s psycho-plombées et ses riffs acides avant que ces derniers n’interrompent leur course intersidérale pour explorer le parterre. On était bien haut, on se retrouve bien bas et puis tout se calme, on retrouve alors le désert et ses errances solaires avant une ultime explosion très stoner. Le morceau est rythmé de quelques cris et mute insidieusement comme le fera tout le disque. Parfois, toute la largeur du spectre est occupée, le trio empile les strates et on suffoque alors qu’à d’autres moments, il ouvre les fenêtres en grand pour aérer sa mixture. Le suivant, Modus Operandi, est plus frontal et carré, plus classique dans son entame mais largue lui aussi bien vite les amarres pour devenir de plus en plus lourd. On sent bien le côté Diplodocus ici mais aussi le versant Stoned quand la fuzz furibarde finit de tout enterrer dans une explosion noise dense et illuminée. On jubile ! C’est alors que déboule le très haché Bad Pills. Intense, enchevêtré, multiple, lourd mais pas que, il synthétise les deux premiers tout en proposant de nouvelles pistes (celle du chant en particulier). Sa fin ne ressemble en rien à son début et on comprend, quand il s’achève, qu’il n’a cessé de se transformer dans l’intervalle. On jubile ! Mais il y a encore Chant Du Cygne, nouveau morceau fuselé et disloqué, répétitif mais mouvant, dense et une nouvelle fois aéré, qui vient clore parfaitement cet Ante Mortem dont on espère qu’il fera mentir son titre. On jubile !

Le trio apparaît souvent comme une sorte de croisement entre une version aérée d’Aluk Todolo et la descendance de Slint, le jusqu’au-boutisme fuselé de l’un associé aux errances moribondes des autres mais pourtant, quand on a dit ça, on n’est pas complètement dedans. Une manière de dire que les Caennais maîtrisent leur sujet et que leur musique, même si elle emprunte à droite à gauche, montre beaucoup de personnalité. Encore plus sur ce disque que sur le précédent où on les sent encore en train de chercher leur son. Ils l’ont désormais trouvé et on espère bien que ce Chant Du Cygne n’en soit pas un et qu’Ante Mortem n’annonce pas une mort prochaine. Le dinosaure perché a encore beaucoup trop à dire.

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